Six mois, six mois que son père était parti mais la douleur ne diminuait pas, le vide ne faisait que croître, tout comme le sentiment de perdition de la trentenaire. Son regard s'était voilé d'une mélancolie profonde, comme si une partie d’elle-même avait été emportée avec lui. Chaque matin, en contemplant son propre reflet dans le miroir, Aki ne pouvait s'empêcher de remarquer l'absence de cette lueur familière, qui brillait également dans les yeux de son père. Dorénavant, ses yeux n’étaient que des portes closes sur un océan de souvenirs douloureux, reflétant un vide qui semblait impossible à combler. Chaque journée était devenue une lutte pour la sorcière, une lutte contre le néant qui s’était installé en elle depuis que son pilier, son guide, s’était éteint. Et dans cette obscurité, elle cherchait désespérément une lueur d'espoir pour lui montrer le chemin vers la lumière.

Dans le silence de sa solitude, la balafrée trouvait un réconfort éphémère dans le fond d'un verre. L'alcool était devenu son compagnon silencieux, apaisant temporairement la douleur vive qui déchirait son cœur. Pourtant, dans les moments de lucidité, elle savait au fond que cette voie ne mènerait qu'à plus de douleur. Aki pouvait sentir au plus profond d’elle-même qu’il lui était devenu indispensable d’agir avant qu’il ne soit trop tard, avant que les ténèbres ne la submergent complètement.

Hastings, Aki savait que venir ici lui briserait encore plus le coeur, mais elle avait aussi l’intime conviction que si elle ne se confrontait pas à ce déferlement d’émotions, elle ne s’en sortirait pas.
Le sable sous ses pieds avait été témoin de tant de souvenirs, imprégné des rires et des éclats de bonheur qui avaient autrefois rempli ces lieux. C'était ici, sur cette plage, que la noiraude avait partagé des moments précieux avec son père dans son enfance. Chaque grain de sable semblait lui murmurer les histoires de leur complicité, les aventures partagées, les rires cristallins qui résonnaient jadis au bord de l’eau.

Les vagues allaient et venaient avec une régularité hypnotique, embrassant le rivage de leur murmure apaisant. Assise seule sur le sable humide, l’eurasienne contemplait l'horizon, les yeux perdus dans le bleu intense de la mer. Aujourd'hui, cette plage était devenue le théâtre silencieux de sa douleur, un miroir reflétant l'absence déchirante de celui qui avait été son guide et son refuge. Les vagues semblaient lui chuchoter des secrets perdus, des fragments d'un passé révolu qui ne reviendrait plus jamais. Et pourtant, malgré la tristesse qui enveloppait son cœur, Aki ne pouvait s'empêcher de ressentir une certaine paix en ces lieux chargés de mémoire.

Cela faisait un moment qu'Erwin songeait à revendre la maison d'Hastings. Nora lui en avait soufflé l'idée au moment où elle était partie pour la GEAD. Cet été-là, en 2045, elle y était passée pour récupérer ses dernières affaires. Lui-même n'y avait pas été depuis un long moment. Elle lui avait dit que cette maison ne leur servait plus, et que ça ne serait certainement plus jamais le cas, mais qu'elle pouvait faire le bonheur d'une autre famille sorcière. Il avait immédiatement su, au fond, qu'elle avait raison. Mais, allez savoir pourquoi, il n'avait pu se résoudre à le faire. C'est donc près de 4 ans plus tard qu'il se décida enfin. Il était retourné là-bas plusieurs fois. La première avait été particulièrement douloureuse. Il avait passé de nombreuses années là-bas pendant l'enfance de Nora, mais il y avait aussi passé beaucoup de temps avec Juliette. Cette maison avait été le symbole de leur nouvelle vie de famille ensemble. Elle ravivait autant de bons souvenirs que de mauvais, si bien que la nostalgie emportait sur le reste.

Aujourd'hui, Erwin avait rencontré le notaire, et l'agent immobilier. La vente allait bientôt se concrétiser, et il ne savait pas s'il se sentait triste ou soulagé. Ce week-end avait été chargé en rendez-vous. Le samedi était passé à une vitesse folle, si bien qu'il n'avait du temps libre que ce dimanche. Il aurait voulu passer au magasin pour voir comment évoluaient les choses, mais il était fermé. À la place, il décida de se promener un peu aux alentours, et notamment sur la plage. Il avait beaucoup de bons souvenirs avec sa fille à cet endroit. Au final, là encore, la nostalgie prenait le pas sur les autres émotions du moment. Le temps avait tellement passé, et il sentait que toutes ces belles choses n'existaient plus que dans sa mémoire. Nora était partie, il ne la voyait que peu. Son père était décédé de la main des moldus. Les choses avaient tellement changé.

"Aki ?" Erwin s'arrêta net, surpris de voir sa presque-voisine aussi loin de Pré-au-Lard. "Je ne m'attendais pas à te croiser ici. Tout va bien ?"