Où était-il ? Les gants, avouons le, c'est un peu le même combat que les chaussettes. Quand on les cherche, il en manque toujours un. À croire qu'ils ont la capacité de se déplacer. Oui, c'est ça, à tout les coups, ils sont comme les mandragores, ils se baladent la nuit. Et à tout les coups, certains gants fricotent en cachette avec des chaussettes et finissent par partir en lune de miel sans jamais revenir. Ou alors, c'est les mandragores. Elles viennent peut-être se servir directement à la source en hiver quand elles ont froid. Qui sait ? Riant elle-même des âneries qu'elle débitait à voix haute à l'attention de Charlotte qui se trouvait dans l'alcôve voisine, Deryn se redressa, décidant que le dessous de son lit n'avait définitivement plus aucun secret à révéler.

Après quelques vociferations supplémentaires, elle finit par hausser les épaules et enfiler son manteau avant de passer son écharpe jaune.

"Bon... je file. Tant pis, je perdrai les doigts de la main gauche. À tout à l'heure !"

Sur ce, après avoir installé son botruc au chaud dans la serre, l'irlandaise quitta la salle commune de Poufsouffle. Dévalant les marches elle arriva rapidement en vue du hall. Serait elle la première ou Chems avait-il remonté sa montre pour ne pas louper leur escapade hivernale ? Plongeant sa main nue dans sa poche alors qu'elle foulait les dalles du hall d'entrée, elle fit une découverte intéressante.

"Ah... ben il était là. Deryn, bien joué."

En se maudissant elle même de ne pas avoir commencé ses recherches par l'endroit le plus évident, elle brandit victorieusement le gant manquant qui ne manquait désormais plus à l'appel et entreprit de l'enfiler. Finalement, elle allait peut-être garder tous ses doigts.

Voilà une bonne chose de faite. Une lettre volait désormais en direction de Greystones. Quand elle arriverait là-bas, ses parents feraient en sorte qu’elle trouve son chemin vers la Grèce conformément à ce qu’il leur avait indiqué. Si elle atterrissait dans les mains de son grand-père sans encombre, Ennis et lui pourraient peut-être alimenter leur exposé sur le cornelongue roumain de tous nouveaux éléments dans peu de temps.

Pour l’heure, et à partir du moment où Chems avait posé un pied hors de la volière, il se lavait les mains de ses devoirs. Il allait se défouler maintenant. Il partait justement retrouver Deryn dans ce but.

« J’suis là ! » s’annonça-il en écho à ce qu’avait dit la brune un instant plus tôt sans le savoir.

Son lézard grimpa sur la rampe de l'escalier du hall d'entrée tandis que Chems s'approchait de Deryn en remontant la fermeture éclair de sa parka matelassée. « Y'a des hiboux que je changerai bien en pince à linge à la volière, j'te jure. Il restait que les pires. Haniba a failli y laisser des écailles. » Il laissa échapper une expiration et sortit la capuche de son sweat-shirt de son dos. Il portait déjà un bonnet mais rabattit quand même la capuche au-dessus de sa tête avant de rentrer les extrémités de son écharpe sous le col de sa parka.

« On est paré ? » demanda-t-il en regardant d'abord Deryn de haut en bas, puis la double porte gigantesque du hall dont un seul battant était ouvert.

La voix qui résonna dans son dos la fit faire volte-face tout en faisant apparaître un sourire radieux sur son visage. Elle se mit à rire à la remarque de son ami.

"En pince à linge, tu y va fort mais c'est vrai que leur bec s'y prêteraient très bien. Pauvre petit Haniba."

Elle chercha le petit lézard des yeux mais ce dernier devait probablement être maintenant enfoui sous une des couches de vêtements de l'irlandais. La Poufsouffle se tourna, suivant le regard de Chems pour observer à son tour la grande porte qui les séparait de la petite cour extérieure mais surtout du parc du château.

"En tout cas moi, j'ai une paire deux gants composée de deux gants donc, je pense que je ne peux pas rêver mieux pour affronter ce qui nous attend dehors."

Leur programme était assez flou. Ils avaient prévu de "profiter de la neige" avant sa disparition programmée avec l'arrivée du printemps et, si possible, de glisser en luge. Pour ça, il fallait en théorie une luge mais, les deux Poufsouffle ne manquant généralement pas d'imagination, ils ne s'étaient pas vraiment inquiétés de ce petit détail.

"Allons-y ! lança la Poufsouffle sur un ton grandiloquant avant de sourire malicieusement et de lancer à toute vitesse. Le dernier dans la neige tire la luge pour la première montée !"

Sur ce, elle s'élança à toute vitesse, espérant ne pas entrer en collision avec un élève ou pire, un professeur qui surgirait de derrière la porte au mauvais moment.

« Parfait, » pouffa le garçon devant le pléonasme volontaire. Il leva ses deux mains couvertes en agitant ses doigts comme pour dire et moi aussi j'ai une paire, regarde. Aujourd’hui, il avait troqué ses mitaines trop peu protectrices pour l'activité qu'ils s'étaient prévus. « Jusque là, ça m'a l'air bien parti pour que tout se passe dans les meilleures conditions. »

Enfin "meilleur", c'était encore discutable dans son cas puisqu'il venait de se faire prendre de vitesse.

« Ah non ! Reviens ! »

Pour la température, il y avait tout de même pas mal de monde dans la cour attenante au hall d'entrée, obligeant Chems à slalomer entre les élèves tout en essayant de ne pas perdre Deryn de vue. Un exercice plutôt technique puisque, emmitouflé dans toutes ses couches de vêtements, il ne se sentait pas pleinement libre de ses mouvements. Plusieurs fois cependant, il avait cru pouvoir attraper sa camarade en tendant juste le bras.

Finalement, il fut forcé de ralentir sur un tronçon du sentier légèrement incliné et parsemé de verglas qui donnait accès au parc pour ne pas finir sa poursuite en dévalant la petite descente sur les fesses - chose qu’il avait évité de justesse en battant des bras tel le plus gracieux des volatiles lorsqu’il avait senti sa semelle perdre son adhérence avec le sol un moment donné.

Il mit les pieds dans le manteau neigeux du parc derrière sa challengeuse, à raison de quelques secondes tout au plus, signant sa défaite.

Maugréant, Chems arracha une poignée de poudreuse et l'envoya sur la brune.

« T'es toujours aussi nulle pour donner les top départs ! »

Faire preuve de mauvaise foi était en réalité un assez bon prétexte pour ouvrir le bal avec une petite bataille de boules de neige.

Revenir ? L'attendre ? Hors de question, sinon, il allait gagner sans aucun doute. Deryn n'avait plus l'avantage de la taille pour se faufiler mais restait tout de même plus petit que le sixième année, elle se concentra donc pour effectuer un slalom presque parfait, s'excusant dans un éclat de rire auprès d'une Serdaigle à qui elle manqua de faire perdre un ouvrage. Un saut final et elle franchit le porche, accédant pour de bon au parc du château. Elle se retourna, souriante, juste à temps pour assister à l'arrivée de Chems et...

"Hey ! s'écria la Poufsouffle en riant de plus belle, son bras eut à peine le temps de se mettre devant son visage, limitant un minimum l'attaque de poudreuse. Et toi toujours aussi mauvais perdant si je comprends bien."

Elle octroya un coup d'épaule à son camarade avant de parcourir des yeux le parc encore en bonne partie blanc à cette saison. Par où commencer ?

"Alors... on se fait une luge ? Tu as une idée avec quoi ? Je suppose qu'on peut prendre à peu près n'importe quoi et lancer un glacius pour que ça file non ? On va voir du côté de chez Hagrid si on ne trouve pas un... truc ?"

À la ferme avec ses frères, ils utilisaient les grands couvercles de poubelle mais, peu de chance d'en trouver à Poudlard et surtout peu probable de pouvoir les utiliser sans autorisation préalable. Mais dans le fond, avec un bon glacius, même un branche pourrait faire l'affaire non ? Hum... peut-être pas... Il fallait tester. Elle se tourna vers son ami avant de bouger glissant son bras sous le siens.

"Une idée Monsieur Daley ?"

Un second projectile était déjà prêt au creux de la main de Chems. Il le baissa doucement lorsque Deryn ne donna pas de suite à l'attaque.

La neige était plus aveuglante qu'inspirante alors qu’elle lissait tous les reliefs du parc. Les souches d'arbres à côté desquels traînaient toujours des morceaux d'écorce étaient elles aussi recouvertes de son manteau. Tout cela n’aidait pas l’adolescent à trouver des éléments avec quoi bricoler. Décalant son coude sans y penser pour que la brune puisse mieux s’y accrocher, Chems commença également à creuser son chemin dans la neige. Une promenade leur permettrait probablement de bien mieux réfléchir qu'une bataille de boule de neige, bien que l'adolescent ne pouvait s'empêcher d'un peu la regretter.

« Avec un peu de chance, il reste des carcasses de citrouilles oubliées dans un coin. Mais même s’il y en a, faudra creuser avant pour les atteindre. Ou bien faire fondre la neige. »

Ils risquaient en revanche de se faire tirer les oreilles si miss Fleming les surprenait en train d’allumer un feu à côté du potager.

« Je réfléchissais à un point de départ, » dit-il en cherchant le paysage, s’appuyant sur sa mémoire pour étendre sa vision et imaginer les coins hors de vue de là où ils étaient. « À partir du cromlech, on a une descente pas mal. Ou bien là où y’a la stèle blanche au nom de Stonayov à côté du lac. » Le petit monticule était à l’opposé de là où ils étaient, ce qui voulait dire qu’ils devraient traîner leur luge assez loin s’ils décidaient de tester la côte là-bas, mais à l’arrivée, elle promettait d’être tout aussi fun vu son inclinaison. Le saule cogneur fit également une apparition furtive dans ses pensées, le pauvre arbre avait rarement du répit quand l'irlandais foulait le sol du parc. Cependant, Chems l'y chassa rapidement avant que l'idée d'accrocher leur future luge à une de ses branches folles ne cristallise.

« Quitte à utiliser glacius, on peut aussi directement façonner une luge dans la neige et la consolider en dernier avec le sort. Je reconnais que c'est un peu froid mais niveau solidité, on ne peut pas faire mieux. »

Deryn écouta les propositions de son acolyte, ses sourcils s'agitant à tour de rôle tandis qu'elle réfléchissait dans une mimique un tantinet exagérée.

"Hum... Je vote pour le cromlech, ça t'évitera de devoir trainer la luge à travers tout le parc, lança t-elle dans un sourire en coin en donnant un coup de coude à l'adolescent. Et ouais... un fond de citrouille géante ça peut être cool mais on va puer. Par contre, une luge de neige, ce serait trop la classe ! Comment on procède... on fait une sorte de grosse boudin et ensuite on creuse un peu pour faire deux siège ? Un peu comme un tronc de neige en fait. Ce serait assez facile à construire et à glacer."

Oui, elle voyait très bien la chose et, très enthousiaste, avait lâché le bras du Poufsouffle pour expliciter son discours avec des gestes plus ou moins compréhensibles.

"Euh... Tu vois ce que je veux dire ou pas du tout ? Je ne me sens pas super claire dans mes explications."

Ne laissant pas vraiment le temps à son ami de répondre, elle se pencha réalisa rapidement un boudin de neige et imita les jambes d'un petit bonhomme s'installant à califourchon sur la branche à l'aide de son index et de son majeur. Se sentant soudain légèrement ridicule elle décida d'aller au bout de son délire et prit une petite voix nasillarde.

"Attention, le départ approche, accrochez vous bien Monsieur gant, une chute serait fort regrettable... Enfin bref... On monte au cromlech ?"

« Trop aimable » marmonna Chems en croisant les bras devant le rappel des conséquences sa défaite à leur course.

L'avantage du plan de Deryn, c'est qu'il était simple. Efficace, et simple. Et l'avantage d'un plan simple, c'est aussi qu'il pouvait se passer de toutes les précisions que sa créatrice s'évertuait à lui ajouter. Pour autant que Chems saches, ils avaient tous les deux déjà eu plus d'une occasion de visualiser des formes un peu plus complexe que des boudins en cours. Lorsque Deryn le réalisa aussi, tournant l'excès de sa démonstration en dérision, le sixième année pinça fort les lèvres pour ne pas rire. En revanche, il poussa moqueusement le vice à poser plus de questions triviales sur le chemin menant aux silhouettes rocailleuses du cromlech, épiloguant sur toutes les espèces d'arbres du parc comme si cela pouvait drastiquement changer la forme et les performances de leur future luge.

Une fois arrivé au sommet, Chems prit deux bonnes minutes simplement à observer leur point de vue et les installations de l'école en contrebas.

« C'est dommage que les enclos soient vides. Ça aurait été marrant de s'atteler à une des montures qu'il y avait avant. » Et ça m'aurait aussi épargné la remontée, pensa-t-il tout bas. « Bon, » S'efforçant d'oublier cette frustration pour l'instant, Chems s'assura rapidement de la présence de sa baguette dans sa poche avant de s'agenouiller pour se mettre à la tâche d'amasser le maximum de neige.

« Passons aux choses sérieuses ! »