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16 déc. 2017, 05:32
« Lashlabask ! »  Solo 
[ 1 SEPTEMBRE 2042 ]
Charlie, 12 ans.
2ème Année



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J’avais oublié. Oublié à quel point je détestais cette école, oublié l’air hautain de la Directrice, oublié l’écho agonisant des pierres, oublié même la froideur persistante dans l’air. Cet air que je malmenais de mes respirations saccadées, que j’agressais même, en sifflant une balade désaccordée de mes poumons lancinants. Pourquoi fallait-il que je sois tellement en colère dès le premier jour ? *Concentration et visualisation*. Ma gorge me donnait l’impression d’être un charbon ardent, un foutu charbon qui n’avait pas sa place en moi. Mon esprit et mon corps me paraissaient dissociés, comme des étrangers ne parlant pas la même langue. Ma poitrine était trop étroite, j’étouffais.

Raah !

Dans un mouvement ample de mon bras, ma baguette vola à travers le couloir. Une douleur aiguë explosa dans mon épaule. *Haa…* gémis ma conscience, comme si elle me rappelait que je devais me calmer. Je n’avais aucune envie de me calmer, et encore moins maintenant que je me retrouvais dans le noir. Le Lumos de ma baguette s’était éteint dès qu’il avait quitté ma main. Et ce n’était pas un soir de pleine lune, ni de quart de pisse de lune. Je ne voyais rien. J’avais froid dans cette légère brise de nuit estivale. Mon épaule me relançait en à-coups aiguës. Portant ma main sur la droite, je cherchais à tâtons une surface. Le mur. Dur, froid. Toujours aussi froid. Mes doigts se couchèrent dessus de tous leurs longs, je les envoyais dormir, à défaut de dormir moi-même. Un sifflement inquiétant perçait ma bouche, je couinais involontaire comme un jouet pété. Levant la tête en l’air dans une tentative d’arrêter ce bruit insupportable, je me surpris à manquer d’air ; mon crâne retomba violemment sur le haut de ma poitrine. *Pas le ciel, bordel*.
Je retenais que si j’avais du mal à respirer : ne jamais lever la tête. Je restais un moment dans cette position ; debout, mais ratatinée. « Et merde… ». Un filet de sueur coulait dans mon dos, tranquillement, comme si je l’avais invité. Qu’il fasse comme chez lui. Je savais que si je suais du dos, c’était que… Je posais ma main libre sur mon front, il était dégoulinant. J’étais sale, encore une fois, et je ne supportais plus d’être sale.
Même sans la moindre présence de glaires, je ressentais la furieuse envie de cracher. Visant à l’aveuglette le mur qui soutenait mon corps douloureux, j’enroulais ma langue pour qu’elle forme une sorte de tube et je crachais sur la surface froide avec force. Avec cette technique de langue, je pouvais toucher des cibles très éloignées, et dans cette obscurité, j’avais l’impression que la cible était à une distance infinie. Des postillons frappèrent ma main couchée, détachée de cette rage qui m’animait. Cette salive que j’avais expulsée ne m’appartenait plus. Je savais qu’elle venait de moi, mais je la détestais. Elle avait sa propre volonté maintenant, elle ne faisait plus partie de mon corps ; et mon organisme était assez dissocié comme ça pour que je puisse m’occupe des restes abandonnés de mon existence. Cette salive était dégou…
Mon regard se concentra, je tournais la tête avec brusquerie. Un liquide froid coulait sur ma main couchée. « Bon Dieu ! ». Je poussais avec force sur mes doigts pour me dégager. J’étais aveugle, mais, lentement, je comprenais que c’était mon crachat qui avait coulé jusqu’à ma main. Il était si froid. Les choses laissées à l’abandon devenaient tellement froides qu’elles repoussaient tout ce qui les entourait. Même ma propre salive, je n’avais eu aucun remords à m’en éloigner ; à la fuir instinctivement. Le dégoût qui m’emplissait la bouche petit à petit me dégoutait ; dégoutée par mon propre dégoût. Ce n’était même pas logique. J’agitais ma main avec frénésie pour que cette salive froide se détache de mon corps. J’avais si froid. Je me sentais abandonnée.

Mes yeux se fermaient, de rage. Pourtant, j’étais déjà dans l’obscurité, les fermer ne me servait à rien. *Si*. Si… Ça me servait peut-être à m’aveugler d’une deuxième couche, envelopper mon cœur dans un linceul tout frais, acheté par la sueur de ma rage. Je ne me sentais pas triste, ni mélancolique, je n’arrivais plus à ressentir ces sentiments qui collaient les journées entre elles pour en faire un seul paquet. Un seul cadeau que j’avais ouvert pendant une très longue année. Un temps fou, couplé de secondes septentrionales. Une partie de mon esprit hurlait, et l’autre chuchotait. J’avais étouffé cette folle qui chuchotait trop bas à mon goût, d’une prise dans la nuque, d’un baiser dans le cou, je lui avais demandé de tenir sa langue ; de fermer sa gueule. Elle me l’avait dit avant, mais j’avais préféré le refaire, pour croire que tout venait de moi ; pour mettre fin à ses protestations, pour assassiner ma chute. Et j’avais beaucoup pleuré, si bien que je n’en ressentais plus l’envie ; si fort que je ne me sentais plus en vie.
Parfois, comme maintenant, il m’arrivait de penser abstraitement à cette folle qui murmurait si bas. J’y pensais, j’y pensais, et je ne sentais rien. Je ne voyais rien. Je n’ouvrais pas les oreilles, ici, elles étaient interdites. *Ouais…*. Je ne ressentais rien, parce que je l’avais tuée ; juste après qu’elle m’ait tuée.

J’errais. Je n’avais pas pris les escaliers, donc je devais être quelque part dans les couloirs du septième étage ; dans le domaine des Rouges. Toutes les maisons étaient les mêmes, des abrutis et des abruties défilant au galop ; fanfaronnant à qui allait être le plus risible. Une pensée vola jusqu’à Darcy. Pendant toute la durée des vacances, elle n’avait pas réussi à me mettre dans l’état que venait de me mettre Yuzu. Sa simple vue m’avait fait perdre tout contrôle, et ce que je trouvais horrible, c’était ces images qui repassaient dans ma tête. Je me souvenais de chaque regard de la Japonaise. Un regard froid face à ma rage ardente. Pourtant, maintenant que j’y pensais, je ne comprenais pas ma réaction. J’aurais dû être contente de la retrouver, de pouvoir à nouveau lui sauter dessus comme personne n’en avait l’autorisation. J’aurais dû. Mais ce n’était pas du tout ce qui venait de se passer. J’avais hurlé, et encore hurlé. Des coups dans les lits, des crachats incontrôlés, des regards meurtriers. Et Yuzu, n’avait pas bougé d’un seul millimètre ; elle m’avait simplement observée, le regard plein de froideur. Une froideur que j’avais attrapée. Ouais, j’avais hurlé et j’étais sortie en faisant trembler la porte du dortoir, mais finalement, Yuzu avait compris ce que je n’avais pas compris sur le coup. Ce n’était pas contre elle. Je ne m’étais en aucun cas détruit la gorge contre sa présence soudaine et froide. Non, ce n’était pas pour ça. C’était juste que j’avais besoin de hurler. J’avais besoin que quelqu’un comme Yuzu se confronte à ma rage, et j’aurais voulu qu’elle me calme ; mais c’était trop compliqué pour elle. Seul Papa y arrivait. J’avais eu besoin de hurler ma froideur, parce que je la détestais ; je me détestais. Mes veines étaient si froides qu’elles s’étaient transformées en glace. Et j’étais sûre qu’elles pouvaient se briser face à un souffle un peu trop taquin. J’étais trop fragile ; la mort de la folle murmurante m’avait presque rendue accessible aux Autres. Je m’étais réveillée au bon moment, à l’instant précis où je pouvais encore être moi. Mais j’étais revenue faible, si faible que depuis quelques jours, j’avais l’impression que le monde était fort. Il n’avait jamais été fort, le monde était mien si je le voulais, mais je n’en avais jamais voulu. Maintenant que je m’y intéressais, il avait grandi, le monde. C’était un adulte avec un sale caractère ; c’était cette Louna qui allait bouffer ses propres lèvres pour qu’elle ne puisse plus jamais manipuler de sorcières comme moi. J’étais déterminée à me venger, j’avais enfin un but pour apprendre la magie ; ma rage était givrante.

L’année dernière, je n’avais vraiment rien fait pour être assidue ; les connaissances qui étaient restées dans mon crâne étaient faibles, presque inexistantes. J’allais devoir faire deux années en une seule. « Baguette de merde ! ». J’étais à quatre pattes sur le sol, cherchant ce foutu bout de bois à tâtons. Je ne comprenais pas pourquoi les lumières étaient éteintes ce soir. La rentrée rendait les Autres insouciants. C’était horrible d’être aveugle, je savais que ma baguette était quelque part à côté de moi, je pouvais presque sentir son aura, mais impossible de foutre ma main dessus. Si proche de mon but, ça ne faisait que m’enrager encore plus. J’étais le problème. J’étais celle qui ne comprenait pas.
Papa m’aimait, tout comme Darcy, Madame Crown, Big Jam, Karasu ou la Peste ; ils m’aimaient tous. Mais je n’avais pas envie de sentir leur amour. Je n’en avais rien à foutre. C’était comme si quelque chose s’était brisé en moi, j’étais le problème. Je ne ressentais plus l’envie de me faire aimer par toutes ces personnes, je n’avais plus envie de les voir, tout comme je n’avais pas envie d’être à Poudlard. Je devais apprendre la magie, c’était tout ce qui comptait. Le froid me transperçait, me donnait sommeil. Abandonnant ma recherche, je me laissais tomber sur le côté. Emmitouflée dans ma robe, la gorge en feu, la douleur du sol irrégulier et l’exténuation de cette journée trop longue ; tout me pesait. *Yuzu…*. Peut-être que c’était la seule personne dont l’amour ne me dérangerait pas ; mais c’était impossible, elle ne m’aimait pas réellement. Ça me faisait chier. Je ne pouvais rien y faire. J’avais tout essayé. Je m’endormis ; en espérant que la glace fonde pendant la nuit.

je suis Là ᚨ

16 déc. 2017, 05:33
« Lashlabask ! »  Solo 
[ 2 SEPTEMBRE 2042 ]


*Oh bon Dieu…*. Je n’osais pas faire le moindre geste. Les canines de la roche enfoncées dans mon dos me prévenaient d’une douleur horrible. Une très légère clarté plongeait le plafond dans un jeu d’ombre et de lumière. Je n’avais jamais regardé ces plafonds, si hauts que j’étais en train de me perdre dans leurs reflets. Ils étaient simples, mais une forme de majesté se dégageait de leur hauteur. Je devais me lever.
Mon ventre protesta quand je tirai dessus, tout comme mes épaules. Debout au milieu de ce couloir que je pouvais enfin sonder, mon corps était agité de frissons incontrôlables ; j’avais vraiment froid, le soleil n’avait pas encore fait son travail. *Ma baguette…*. Mon cerveau était ralenti, mes idées arrivaient en trainant les pattes. Je n’avais jamais été frileuse ; pourtant, cette nuit, ma peau avait abandonné sa carapace et tout était rentré en moi. Mes bras se croisèrent sur ma poitrine, puis je commençais à serrer mon corps. J’essayais de me réchauffer. La baguette qui était la cause de ma nuit glacée se tenait à quelques centimètres, toujours aussi tordue, infiniment dure. Une belle branche d’arbre du plus bel effet, à quelques centimètres, me narguant, j’entendais son esclaffement insupportable, elle se foutait de ma gueule. Et elle avait bien raison, j’étais risible. Un sourire serré naissait sur mes lèvres, comme une crispation de mon âme, la suite était claire. Je commençais à me projeter dans l’avenir, c’était dégoûtant, mais je devais devenir forte. D’un mouvement qui éveilla toutes les parties douloureuses de mon organisme, je saisis ma baguette en me dirigeant vers les escaliers. J’allais devenir puissante.

La lumière était vraiment faible, l’aube était à ses balbutiements. Les ombres me donnaient l’impression de naître des ténèbres. Le château était foutrement silencieux, et je ne rencontrais personne, parce que je n’avais personne à rencontrer. Mon corps tourna à un coin et je vis une silhouette. Par réflexe, je cachais ma baguette ; comme je le faisais toujours lorsque je me baladais la nuit avec mon Lumos. Sauf qu’il ne faisait plus nuit, et que j’avais le droit d’être là même s’il était trop tôt. Plissant les yeux, je desserrais ma mâchoire ; ce n’était que mon ombre, que moi. Ma rencontre avec moi-même ; celle qui réveille mon instinct bestial.
Je dévalais les escaliers qui n’en faisaient qu’à leur tête au rythme qu’ils m’imposaient. Je tentais de garder mon calme tout le long, de ne pas m’énerver quand un escalier changeait de direction alors que j’étais dessus, de ne pas insulter la pierre qui ne voulait pas m’accueillir en s’échappant sous mes yeux. Non, je ne faisais rien. J’essayais de combattre mon impatience, baguette à la main ; la serrant pour déverser dedans cette colère refoulée. À partir de maintenant, elle serait mon réceptacle d’émotions, elle me permettrait de penser à autre chose lorsque je me faisais envahir de l’intérieur. Alors, je pensais inutilement, un peu comme les Autres ; pourquoi ces escaliers étaient-ils aussi fous ? Après quelques idées, je me rendais compte que je n’y arrivais pas. Penser à quelque chose qui ne m’intéressait pas ne faisait que me rendre encore plus bouillonnante de glace. Alors, j’arrêtai ma réflexion. Lorsque j’arrivais au niveau du deuxième étage, et que — dans un ultime bond — mon corps était en sécurité de la folie des escaliers. Je me tournais vers les marches qui m’avaient vomi sans remords et je murmurais : « C’est moi qui suis trop folle pour pas vous comprendre ».

Traversant plusieurs rangées de portes, sans forcer sur mes jambes encore raidies par le sommeil, j’appréhendais la suite. Même si je n’avais pas l’impression de changer, mais seulement de trouver un nouveau sens, j’avais peur. Peur de ce que cette quête de la magie allait faire de moi. Peur de sentir mon Sens se tourner vers Autre Part, car quand j’en choisissais un, c’était pour la vie. Pourtant, j’étais morte deux fois. Et dans mes cendres, je foulais ce couloir de mon corps, de la pointe de mes pieds. Je n’oubliais pas ces deux anciens Sens puisqu’ils faisaient partie de ma foutue vie rafistolée. Quand j’y pensais profondément, si les Autres n’avaient pas existés, j’aurais pu rester avec mon premier Sens toute mon existence. Maintenant, je comprenais que je pouvais avoir plusieurs vies, mais que je ne pouvais vivre que dans une seule ; les anciennes me manqueraient à jamais. Moi qui avais toujours cru que les Autres n’étaient pas importants. Je me surpris à rire faiblement. *Ouais…*. Je m’étais encore trompée : les Autres me tuaient.

Je m’arrêtai face à une porte. Elle renfermait une pièce qui m’avait écoutée dans mes nuits blanches et qui avait fermé sa gueule pendant mes journées noires. La main sur la poignée, mes doigts sous tension, je soupirais longuement. *P’t’être que t’es encore là*. J’entrais.
Le Vide réel me frappa. Bon Dieu que c’était Vide. Plus de piano, plus de parchemins, plus d’odeur et encore moins de chaleur. *Bien…*. Je m’étais trompée de pièce. Je retournais sur mes pas, un regard à droite, l’autre à gauche. *Mais qu’est-ce que…*. Mon attention se reporta sur la porte. Je la contournais pour voir son profil intérieur. C’était celle-là, j’en étais sûre. Les courbures du bois étaient les mêmes, je les avais observées beaucoup trop longtemps pour oublier le moindre détail. Certaines choses restaient gravées dans ma cervelle, parfois il me fallait des mois, et parfois un seul Instant ; le résultat était le même, je m’en rappelais et m’en rappellerai jusqu’à la grande fin. La porte claqua sous ma force, et je me plantais au milieu de la pièce. Quelqu’un était passé par ici, et ce Quelqu’un avait supprimé toute trace de mon passage. Comme si c’était un secret entre nous, comme si ce Quelqu’un était le seul à savoir le temps que j’avais passé ici. Un secret partagé à deux était magnifique ; maintenant que ce Quelqu’un avait supprimé toute trace de moi-même dans cette pièce, qui croirait que j’étais venu ? Personne. C’était magnifique. Je remerciais mentalement l’elfe de maison qui s’était tapé le rangement. Cette année, au lieu de voler de la bouffe, j’essayerai peut-être de me faire un ami elfe. Ça me ferait perdre moins de temps en surveillance. J’avais décidé d’approcher encore moins les endroits trop fréquentés par les Autres. La Salle Commune, la Grande Salle et le Parc ne figuraient plus dans mes possibilités. Finalement, j’aimais bien l’atmosphère quasiment stérile de la pièce ; elle me ressemblait, à l’exception de son Vide.

À partir de maintenant, j’allais m’entraîner sur tous les sortilèges abordables, tout en étudiant la magie théorique et les profondeurs historiques. J’appliquais le même raisonnement qu’avec la composition. Et j’allais devenir la chef d’orchestre la plus puissante que ce monde magique ait portée. Tripotant ma baguette, les mots écrits par Darcy ne se laissaient pas faire. J’essayais de les attraper, mais la lecture de sa première fiche dans le Poudlard Express me paraissait trop lointaine. J’avais l’impression d’avoir vécu une décennie depuis hier. Mes yeux se fermaient, cette fois-ci, ça faisait la différence avec la clarté du jour qui s’intensifiait. Dans le dédale spongieux de ma conscience, j’entendais le frétillement de mes tentatives, elles essayaient d’attraper les premiers mots que j’avais lus la veille, mais finissaient par s’écrouler lourdement. Sur quoi ? Je ne savais pas. Sur qui ? Sur moi, bordel.

Quelques minutes passèrent, j’étais toujours prostrée dans la texture poisseuse de mes pensées. Pas de clarté ici, ni de quelconque brillance ; seulement des ombres qui se détachaient de l’obscurité tant elles étaient noires. Je ne comprenais pas comment il pouvait y avoir des ombres sans lumière. *Concentration et visualisation !*. Un vrombissement interne. J’avais trouvé ! J’écarquillais les yeux avant de les plisser aussitôt, l’éclat de la lumière me frappa, le jour se levait foutrement vite. Levant une main, je pointais ma baguette juste en face de moi tout en calant l’autre bras en queue de scorpion au-dessus de ma tête ; comme Madame Crown. Le premier sortilège que j’étais censée apprendre correctement était le Lashlabask. Je me concentrais. *Concentration profonde sur l’unique sortilège en préparation*. Les mots de Darcy me revenaient en tête beaucoup plus facilement. Je faisais le vide dans ma tête, je ne devais penser à rien d’autre. Me détacher de moi-même, me détacher des peurs, des ressentis et des émotions. Lashlabask. *Lashlabask…*. J’étais concentrée. Ensuite, la visualisation. Tout ce que j’avais réussi à faire pour ma première année se résumait à une espèce de larme blanche brûlante, infime, minuscule, risible. Alors, je tentais de me rappeler de Miss Holloway en train de lancer le sort. Rien ne me revenait. Blanche. Larme. Immaculée. Brûlante. Je pensais Voir. C’était bon. Je fis un pas puissant tout en donnant un léger coup dans le vide avec ma baguette.

Lashlabask !

Des petites étincelles blanches sortirent de ma baguette et tombèrent mollement par terre, fumant légèrement avant de crever. Mes bras tombèrent le long de mon corps. C’était nul.

Merde de merde !

La frustration que je ressentais était horrible, j’avais une furieuse envie de frapper dans quelque chose, mais il y avait que de la pierre indestructible autour de moi ; même si je me rappelais que j’avais essayé de la briser à mains nues. Je plantais mes pieds au sol, maudissant ma médiocrité. J’étais réellement et concrètement mauvaise. Je ne m’en étais jamais rendu compte. C’était normal que Louna m’ait retourné le cerveau de sa magie, c’était normal que Darcy ressente le besoin de me protéger, c’était normal que Papa m’abandonne chez les Crown. Personne n’avait envie de quelqu’un aussi faible que moi. Voilà pourquoi je n’avais pas envie de les aimer, leur amour était éternel pour moi, mais il restait hypocrite ; je m’étais affaiblie, et ceux que j’aimais avaient tourné la tête pour regarder ailleurs, là où je n’existais pas. « Merde… ». C’était un murmure. Je ne voulais pas d’un amour sélectif, je n'en avais rien à foutre de cette manière étrange qu’ils avaient tous de m’aimer. Moi, si j’aimais réellement quelqu’un, je savais que je ne l’abandonnerais pas. J’en étais sûre. Une pensée vola vers la chevelure de la Japonaise, qui était probablement en train de se préparer cinq étages plus haut. Pourtant… Une colère sourde me frappa d'un électrochoc. Dans le frémissement ressenti, je tendis ma baguette et ouvris ma bouche.

Lashlabask !

Des étincelles de couleur rouge sang explosèrent. Je sursautais en reculant de deux pas. Elles s’écrasèrent un mètre plus loin et grésillèrent quelques secondes avant de disparaître. *Je… Co…*. Un sursaut de ma conscience m’obligea à baisser la tête et à plonger mon regard dans mon arme. Comment est-ce que j’avais fait ça ? C’était la première fois que j’arrivais à produire un effet aussi violent. Je m’étais fait peur toute seule. *Bon Dieu…*. Je m’imaginais en train de lancer ce sort sur une personne, sur le visage de Louna en le regardant fondre tout en riant à m’en péter la gueule. Cette pensée ne me fit même pas sourire. J’étais fascinée par ma propre puissance. C’était donc ça, la magie.
Le souvenir était arrivé, il s’était amarré sur mes neurones et m’offrait son cadeau. Le Lashlabask de Miss Holloway s’afficha dans ma mémoire. Il était tout blanc, mais foutrement plus grand que ma version rouge, et je me rappelais qu’il avait volé à travers la classe comme une boule de feu lancée par un ange démoniaque. Pourtant, le mien que je venais de lancer m’avait marquée des millions de fois plus. Il y avait une réelle différence à faire de la magie et à simplement regarder. Ce n’était même pas comparable. Tout comme jouer une composition et en écouter une.
Il restait un problème, je ne comprenais pas pourquoi ma deuxième tentative était beaucoup plus puissante que la première et rouge. Fermant les yeux, je tentais de me reme… *L’émotion reste la propriété la plus importante pour réussir un sort*. Je l’avais lue, c’était Darcy qui l’avait écrit dans sa première fiche. Cette phrase m’était revenue brusquement, comme si ça ne servait plus à rien de la chercher, j’avais déjà compris. Je comprenais. Ouais… La magie est une torture psychique. Une Révélation. Une Compréhension Profonde. Je venais de comprendre. Souvent, je m’étais demandé où pouvait se cacher la limite journalière d’entrainement magique. Balancer son bras à longueur de journée n’était pas fatigant, ce n’était absolument pas du sport. Donc la limite n’était pas physique. Il restait la limite psychique. Et c’était elle qui faisait mal. Si, pour réussir de la meilleure façon un sortilège, il fallait se taper nos souvenirs les plus tristes, les plus haineux ou n’importe quoi d’autre, c’était une torture psychologique horrible. Finalement, ma magie était limitée à ma résistance psychique. Atroce.
Je n’avais pas envie de me rappeler, je n’avais pas envie de faire appel à mon passé. Je détestais ça. Mais je détestais Louna encore plus. Une nouvelle colère se baladait dans mon corps. J’imaginais la gueule de Louna juste en face de la mienne, ses yeux envoutants totalement illusoires, son sourire de triomphe ignoble. Ce n’était pas assez, je n’étais pas assez énervée. Le souvenir de la Peste retournée, son dos nu, ses larmes qui n’avaient rien à foutre sur son visage et son prénom que je haïssais autant que le mien. Ma colère se transformait en rage, tous mes muscules s’étaient contractés, j’avais envie de tuer. Je serrais tellement ma baguette que j’eus peur de la briser. Je devais aller encore plus loin ! PLUS LOIN ! Une accalmie soudaine. J’étais sur une lande Noire, mes poumons tombèrent et mon cœur s’effilocha ridiculement. Mes yeux se redressaient. Douleur. Une Fraction. Le Désespoir. Son regard, Elle.
La Fournaise incinéra ma main, et mon bras frappa l’air à m’en détacher l’épaule. « LASHLABASK ! ».


FIN

je suis Là ᚨ