Perdue dans ses pensées, Lyn entendit à moitié la réponse de Solwen, laissant les mots glisser sans vraiment leur donner de sens.
Oui, le parc était magnifique. Il fallait dire que le lac participait à son charme. Cette étendue d'eau sombre, merveilleuse et fascinante... Lyn aurait voulu s'y rendre plus souvent mais elle n'y pensait jamais. Chaque fois qu'elle passait dans le parc, elle s'y arrêtait, repérant un endroit parfait pour s'installer, et n'allait ainsi pratiquement jamais jusqu'au lac.
D'autres mots parvinrent jusqu'aux oreilles de Lyn mais ils n'avaient pas beaucoup de sens. Plaisir, devoirs, lire. Faire ses devoirs ? Un plaisir ? Lire, d'accord, c'était vraiment divertissant et agréable, mais travailler... Même dans les conditions les plus confortables, travailler restait travailler. Une corvée. Un sourire amusé se dessina sur les lèvres de Lyn, tandis qu'elle continuait à regarder le ciel. Son esprit devait être tordu pour reconstituer aussi bizarrement les phrases de sa camarade.
Ensuite vint une question. "Tu viens souvent danser ?" Une question que Lyn ne comprit pas immédiatement, complètement ailleurs. Se concentrant de nouveau sur la ribambelle de mots anglais que sa camarade était en train de débiter, Lyn rougit soudainement en entendant la fin.
Solwen l'avait vue. Vue en train de gigoter comme une idiote. Lyn se fichait pas mal qu'on l'ait vue ou non, en vérité. Les gens qui la voyaient pouvaient bien s'en amuser, Lyn ne le saurait jamais et ils oublieraient bien vite. Ce qui la gênait profondément, à cet instant, c'était que Solwen l'avait vue et était venue la voir après. L'avait-elle trouvée ridicule ? Non, elle l'avait complimentée. Lyn, de nature méfiante avec les inconnus, s'était sentie très rapidement en confiance avec Solwen. Elle fut donc tout de suite rassurée par ses pensées, sans songer un seul instant que sa camarade avait pu être faussement admirative.

La fillette entendit et aperçut du coin de l'œil Solwen qui s'allongeait à son tour sur l'herbe, aux côtés de Lyn. Cette dernière avait toujours le visage rouge – qui contrastait de manière assez comique avec son teint pâle habituel –, et espérait que Solwen ne l'ait pas remarqué.
La petite italienne ouvrit la bouche, bouleversée, et dit dans un souffle, la voix presque éteinte, "Merci." Puis elle se remémora la question qui lui avait été posée. "Tu viens souvent danser ?".

– C'est la première fois.

Ce fut l'unique réponse de Lyn – elle s'en fichait pas mal que Solwen comprenne ou non que c'était la réponse à sa précédente question – qui, jusque-là plutôt énergique, avait été soudainement refroidie, sans aucune raison apparente. Lyn était très flattée par le compliment de Solwen, mais elle ne savait pas quoi répondre, et c'est machinalement qu'elle s'était exprimée, encore bloquée sur "elle m'a vue".

Cela avait été très rapide, quelques secondes. Lyn était toujours aussi rouge, mais son sourire était revenu. On aurait dit qu'elle était de nouveau la Lyn du premier jour, avec son sourire tordu. Sauf que cette fois, le sourire se voulait sincère. Mais il restait tordu, face au ciel. Solwen ne le voyait probablement pas, si elle aussi regardait les nuages.
Lyn était contente d'avoir rencontré Solwen, contente que cette dernière ait été aussi gentille, contente de cet après-midi au parc, et elle était prête à reprendre une conversation vive et animée. Mais son sourire tordu demeurait comme fixé sur son visage. Un sourire tordu sur une tomate. Lyn ne s'en rendait même plus compte.

Les secondes passaient, et Lyn ne me répondait pas. Je tournai donc la tête vers elle. Elle semblait perdue à la fois dans ses pensées et dans le bleu du ciel. Elle souriait béatement, quand elle se mit soudain à rougir. Je me demandais à quoi elle pouvait bien penser pour changer d'expression aussi vite, et surtout je m'interrogeais sur si elle avait entendu ma question ou pas.
Au moment où j'allais la répéter je la vis ouvrir la bouche et me lancer un "merci" tellement discret que je l'avais plus deviné qu'entendu. J'avais l'impression qu'elle avait la gorgé nouée, et je ne comprenais pas pourquoi elle me disait merci. Chose sûre, ça n'était pas la réponse à ma question.
Elle était encore rouge et son sourire avait maintenant déserté son visage. Elle avait l'air bouleversée, et la voir dans cette état me mit un poids dans l'estomac. J'avais peur d'avoir dit quelque chose qu'il ne fallait pas. Pourtant, après avoir repassé mes paroles dans ma tête, je ne vis pas ce que j'aurais pu prononcer comme maladresse. Par contre, la raison de son merci m'apparue, bien que ça ne soit pas ce qui me préoccupait le plus.
Elle finit enfin par me répondre, en me disant que c'était la première fois qu'elle venait danser. J'étais donc la première à l'avoir vue, puisqu'il n'y avait personne dans le parc à part nous.
En me concentrant de nouveau sur Lyn, je vis qu'elle avait reprit son sourire. Pourtant, je trouvais qu'il s'apparentait plus à une grimace qu'à un sourire, tant il était tordu. A ce moment, je me sentis mal. J'avais vraiment l'impression d'avoir commis une bourde et ce qui me gênait le plus, c'était que je ne savais pas quoi.
Légèrement tremblante, je me redressai sur mon coude de façon à me tourner vers la jeune fille.

- Euh... Lyn ? Tu... Ça va ? Est ce que j'ai dit quelque chose qui t'a blessée ? Si c'est le cas, je suis vraiment désolée, ça n'était pas mon intention, excuse moi.

J'avais vraiment peur de l'avoir blessée et je m'en voulais. Elle avait été gentille depuis le début et je me sentais bien à ses côtés, je craignais d'avoir tout gâché...

Au bout d'un court moment, le visage de Lyn commença à perdre ses rougeurs, et sa légère grimace disparut presque simultanément, redonnant à son visage un air plus serein, moins nerveux. D'ailleurs, l'aiglonne avait perdu toute l'angoisse qu'elle avait eue pendant quelques secondes. Un petit instant de stupidité et de paranoïa – appelons un chat un chat, Lyn avait été vraiment stupide de commencer à stresser juste parce que Solwen avait parlé de danse – avait cependant alerté Solwen, qui releva la tête et s'appuya sur son coude, tout en se tournant vers Lyn. Cette dernière ne la regardait pas vraiment, mais avait perçu ces mouvements du coin de l'œil. Évidemment, elle l'aurait juré, cet Instant de Stupidité précédemment cité n'était pas passé inaperçu et Solwen s'était probablement posé des questions sur l'équilibre mental de Lyn, décidant ainsi de lui faire passer un examen visuel.
Quoi de plus normal après tout ? On papote tranquillement, on pose à l'autre une question qui se veut gentille et accompagnée d'un compliment, et là – là, sans qu'On sache pourquoi –, l'Autre se la joue froid et dépressif. Enfin, ce n'étaient pas les sentiments de Lyn quand elle avait répondu à Solwen, mais son ton avait pu prêter à confusion. Bref, en toute logique, On se demande ce qu'On a bien pu dire pour froisser l'Autre. Et c'est là qu'intervient la culpabilité. C'est presque inévitable, On va se sentir coupable parce qu'On va se demander POURQUOI. Et va arriver à la conclusion que PARCE QUE ON A DIT ÇA.
En fait, c'est comme un exercice : la conclusion, selon les observations, est correcte. Simplement, c'est dans les observations et interprétations qu'il y a eu un problème. Par conséquent, la conclusion est fausse.

Et donc, les interrogations de Solwen étaient légitimes. S'inquiéter était légitime. Lyn eut ce raisonnement en entendant la question mal assurée de sa camarade, une question qui disait "mais je t'ai fait quoi pour que tu tires la tronche ?!". En plus poli. D'ailleurs, Lyn l'avait remarqué, Solwen était très aimable. Elle s'excusait sans attendre de savoir si elle avait vraiment blessé la petite italienne ou non.
Lyn admirait cela. Elle était très bien élevée aussi, mais culpabiliser et s'excuser ainsi, au quart de tour, ça ne lui arrivait que si elle était sûre d'avoir fait quelque chose de travers. En l'occurrence, ça aurait plutôt été à Lyn de demander pardon pour inquiéter comme ça sa camarade, mais comme elle n'avait rien fait de mal et que c'était simplement Solwen qui avait fait une erreur dans son exercice d'observation et d'interprétation, elle ne voyait pas en quoi elle devait présenter des excuses. Le seul "désolée" qu'elle prononça fut plus relatif à son manque d'attention pendant sa rêverie qu'à son petit Instant de Stupidité Paranoïaque lui-même.

– Hmm ? Hein euh non rien... J'avais la tête ailleurs, désolée.

L'aiglonne ponctua ces paroles d'un petit rictus. Après tout, Solwen ne pouvait pas savoir ce qu'il se passait dans la tête de sa camarade. Alors si Lyn disait juste qu'elle était perdue dans ses pensées, Solwen ne s'inquiéterait probablement pas plus, et tant mieux. La faire culpabiliser n'était peut-être pas la meilleure option pour s'en faire une amie, aussi Lyn espérait-elle détendre l'atmosphère avec ce rictus presque imperceptible, mais qui ressemblait bien plus à la Lyn espiègle et timide qu'elle était.

Le visage de Lyn se décrispa peu à peu. Elle avait l'air plus détendue et je me sentis mieux. J'avais vraiment eu peur de l'avoir froissée mais son visage me disait que tout allait bien. C'est d'ailleurs ce qu'elle me confirma, en m'assurant avoir eu la tête ailleurs. Elle laissa ensuite échapper ce qui me sembla être un léger rire. Rassurée, je m'allongeais de nouveau à ses côtés et me replongeai dans le contemplation du ciel.
Avec elle je n'avais pas l'impression que le silence devenait pesant. Nous avions certainement des milliers de choses à nous raconter, mais pourtant je savourais ce moment de calme. Je n'appréciais pas les gens qui cherchaient absolument à combler le silence par des bavardages inutiles, lancés uniquement pour alimenter une conversation tout aussi inutile. J'avais toujours l'impression qu'ils avaient peur du silence. Peut être craignaient-ils de paraître creux si ils ne disaient rien, mais le fait est qu'ils me semblaient futiles. Je ne dis pas que le silence est d'or, puisque j'adore chanter et écouter de la musique, mais je dis juste que quand il y a un blanc, c'est pour une raison.
Je fus soudain prise d'une envie de savoir ce qu'elle aimait faire dans ses temps libres. Après tout, si je voulais que l'on devienne amies, il fallait quand même que je me renseigne sur ses goûts. Aussi je pris la parole en tournant la tête vers elle.

- Dis Lyn, qu'est ce que tu aimes faire pendant tes temps libres ?

Elle avait l'air assez énergique donc peut être était-elle férue de sport. Ou peut être pas. Je me demandais d'ailleurs si elle jouait au Quidditch. Je n'avais jamais beaucoup apprécié le sport des sorciers, mais je ne m'y étais jamais vraiment intéréssée non plus. Peut être que je pourrais m'y mettre, qui sait ?

Solwen se rallongea à côté de Lyn, qui se sentit rassurée. Étape Une, ne pas faire fuire Solwen : franchie ! Étape Deux, que la gêne ne s'installe pas entre les deux fillettes : en cours d'accomplissement. Il y eut bien un long moment de silence, mais Lyn ne se sentait pas spécialement gênée. Elle pouvait être très bavarde quand elle était à l'aise, mais pour autant, en règle générale la fillette était timide et plutôt silencieuse. Inconsciemment, elle arrachait l'herbe de sa main droite, pour s'occuper un peu, et surveillait (ça, consciemment, par contre) du coin de l'œil sa camarade, qui était elle-même en train de regarder le ciel. Elle la trouvait assez mignonne, cette fille calme, attentionnée, et très gentille alors que les deux aiglonnes se connaissaient depuis peu (bon depuis le début de l'année mais ne jouons pas avec les mots, il y a connaître et connaître).
Bref, toujours aussi mignonne, Princesse se tourna de nouveau vers Lyn et lui posa alors une question. Lyn ne fut pas sûre d'avoir bien compris, sur le moment. "Dis Lyn, qu'est-ce que tu aimes faire pan dans tes dents livres ?", mais c'était quoi cette question ? Une question sans queue ni tête, complètement incompréhensible, c'était du grand n'importe quoi ! Bon, en tout cas, Solwen devait aimer les livres parce que c'était la deuxième fois qu'elle en parlait. En essayant de retrouver un sens à cette question, Lyn eut un éclair de génie. Enfin pour le dire plus exactement, elle comprit ce qu'elle aurait dû comprendre plus tôt. Cela se traduisit, à l'oral, par les mots suivants :

– Hein ? Ah ! Euh... Ah oui mes temps libres !

Elle se sentit bête et se demanda comment elle avait pu modifier avec autant d'absurdité la question de Solwen. Elle se sentit encore plus bête en constatant qu'elle n'avait même pas répondu à la question. Elle devait avoir l'air de la fille qui dit "ah oui" mais qui n'a rien écouté en fait. Elle essaya de se rattraper en poursuivant aussitôt, faisant s'enchaîner les mots sans souffler.

– Alors, j'aime beaucoup lire, mais surtout j'adore jouer, tous les jeux en fait, jeux de cartes, jeux de société, tout ce que tu veux ! Et puis vu que là il fait de nouveau beau et que ça commence à se réchauffer, j'aime bien sortir dans le parc, pour danser par exemple, comme tu l'as vu apparemment.

Oui, Solwen l'avait vue en train de danser, on allait pas y passer trois heures... En plus elle avait dit que Lyn dansait bien. Donc voilà, Lyn était contente et elle n'allait pas continuer à embêter tout le monde pour rien.
Bref, Lyn n'avait pas l'impression d'avoir oublié quelque chose dans sa réponse, elle était donc satisfaite. Elle détestait oublier ce qu'elle voulait ou devait dire, mais là elle n'avait pas cette sensation horripilante donc tout allait bien.
Lyn, toujours tournée vers Solwen – avec un regard moins scrutateur qu'à leur rencontre évidemment, Lyn n'était pas une psychopathe non plus, tss –, lui demanda alors ce qu'il en était pour elle. Elle était sûre que la lecture viendrait dans la réponse mais elle espérait aussi que sa camarade ne passe pas sa vie dans les bouquins, sinon elle ne voyait pas ce que les deux fillettes pourraient bien faire ensemble. Peut-être feraient-elles comme maintenant. Rien.

Je vis une étincelle d'incompréhension s'allumer dans les grands yeux verts de Lyn, après que je lui ai posé ma question. Qu'est ce que j'avais bien pu dire ? J'avais beau me creuser la tête, je ne voyais pas ce qui avait pu susciter cette interrogation dans son regard. Mais avant que j'ai pu trouver, son visage s'éclaira.

- Hein ? Ah ! Euh... Ah oui mes temps libres ! 

Je ne savais pas trop de quelle façon je devais prendre sa reponse, même si il n'y avait pas non plus quatre cents mille explications. Soit elle n'avait absolument pas entendu ce que j'avais dit, ce qui aurait été plausible puisqu'elle avait un peu la tête dans les nuages, ce que je trouvais adorable, et parce que je ne parlais pas très fort, je devais le reconnaître, soit elle avait entendu mais pas compris. Ça je pouvais tout à fait comprendre puisque ça m'arrivait souvent. Trop souvent en fait en y réfléchissant bien... Je me demandai quand même ce qu'elle avait pu imaginer que j'ai dit pour faire cette tête la. A mon avis ça devait être relativement loufoque. Elle me répondit finalement qu'elle aimait lire (et de un point commun !) et qu'elle adorait jouer, à un peu tout. Elle ajouta qu'avec le retour des beaux jours, elle prenait le temps d'aller au parc. Elle me demanda ensuite ce que moi j'aimais faire, son regard toujours verrouillé dans le mien. J'étais du genre à être rapidement mal à l'aise quand on me regardait comme ça, mais avec elle c'était différent. En tout cas, ça me paraissait différent. Je me surpris vraiment en me rendant compte que je n'avais absolument pas envie de détourner les yeux. A la place, je lui souris, en pensant que cette fille était vraiment mignonne et très sympa.

- Moi aussi j'adore lire ! A part ça, je touche à tout ce qui se rapporte à la musique : écouter, jouer, chanter et danser. Je pourrais passer ma vie en musique. Sinon, j'ai une véritable passion pour la botanique et j'adore le grand air, passer du temps dehors, et tout et tout.

Je repassai ce que je venais de dire dans ma tête, vérifiant que je n'avais pas fait d'oubli. Comme rien ne me vient, j'en déduisit que je n'avais rien omis, et poursuivis.

- Qu'est ce que tu aimes lire en général Lyn ?

Ça ne me paraissait pas idiot comme question, puisqu'on avait toutes les deux mis la lecture dans nos passe temps favoris, et surtout, ça m'intéressait de savoir jusque ou allaient nos points communs. J'avais l'impression qu'elle me ressemblait énormément et en même temps qu'on était différentes. C'était étrange, impossible à définir comme sensation, mais ça avait quelque chose d'agréable.

Solwen adressa un joli sourire à Lyn, un sourire tellement gentil et sincère, que Lyn se sentit réchauffée, tout d'un coup. Et aussi très attendrie. Pour la première fois depuis qu'elles avaient commencé à discuter, les fillettes restaient là, les yeux dans les yeux, à se sourire mutuellement. Rien que par ce regard, ce sourire jusque dans les plis près des yeux, un contact solide semblait s'être établi entre les deux Aiglonnes. Lyn se mit à compter le temps qu'elles restaient ainsi. Un. Deux. Solwen commença alors à répondre. Trois. C'était comme si elle déroulait un mètre ruban, centimètre par centimètre. Quatre. L'ensemble était énorme, mais prises une par une, les informations étaient simples – sept – et rapides à assimiler. Huit. Lyn se souviendrait donc que sa camarade adorait la musique – onze –, de tous points de vue, mais également – treize – qu'elle était une grande amie de la nature. Seize. Botanique (ça tombait bien, il y avait des cours de botanique l'année suivante, même si Lyn ne les attendait pas avec impatience), passer du temps à l'air libre, tant de choses qui devaient être relativement apaisantes. La petite Italienne, concentrée sur les paroles de son amie (elle les buvait presque) perdit le compte. Tant pis. Les petites ne s'étaient pas lâchées du regard, ça serait à la première qui céderait. En tout cas, ça ne serait pas Lyn, qui se plaisait à ce petit jeu.

Solwen enchaîna sur une nouvelle question à son amie, revenant sur le sujet des bouquins. Alors... Qu'est-ce que Lyn aimait lire ? Elle pensa automatiquement au dernier roman qu'elle avait lu, qui lui avait été offert aux dernières vacances, par son père. Elle y pensa, déjà parce que c'était le plus récent, et ensuite, pour la simple et bonne raison qu'elle l'avait adoré, au point de le relire (en ce moment, en fait) pour éclaircir tous les passages qui lui avaient paru obscurs à la première lecture.
Bon, sauf que ça n'était pas vraiment la question. Lyn supposait que Solwen attendait une réponse plus générale, et il n'était pas question pour elle de s'autoriser un petit étalage de ses lectures ; elle n'était pas sûre que cela intéresserait son amie d'entendre un alignements de titres tous plus inconnus les uns que les autres. Lyn avait la chance de pouvoir apprendre à connaître une nouvelle tête, elle ne voulait pas l'ennuyer. Elle se contenta donc de répondre purement et simplement à la question (et au passage, un peu à ce qu'avait dit Solwen juste avant).

– Ah oui, j'adore la musique aussi ! Et du côté des livres... J'aime plutôt la science-fiction et la fantasy, le merveilleux, ce genre de choses... donc c'est plutôt moldu en fait... Et toi ?

Lyn était assez gênée de parler ainsi de ses goûts, elle avait un peu peur que Solwen juge ses lectures trop enfantines, pas assez "intelligentes". La petite Princesse semblait plutôt érudite, et Lyn ne l'imaginait pas lire un roman (moldu) parlant du futur de l'humanité avec des robots partout, ou bien des histoires (moldues) de chevaliers magiques lançant du feu sans baguette.
Enfin, la réponse de Solwen lui confirmerait ses pensées, ou bien les démentirait. Mais bon, de toute façon, la lecture n'était pas le passe-temps favori de Lyn. Elle préférait, et de loin, jouer, bouger, réfléchir, etc. Pour une petite fille aussi énergique, il ne pouvait y avoir aucun livre pour remplacer un jeu – à moins que le livre soit génialissime et le jeu sans intérêt. Après tout, un jeu, c'était aussi parfois l'occasion de défier ses amis, ou même simplement de partager un moment avec eux, plutôt que de rester isolé devant un bouquin.

Lyn écoutait attentivement mes paroles, comme si elle les buvait. J'étais heureuse qu'elle me porte autant d'attention et s'intéresse à mes gouts. Nos regards restaient accrochés l'un à l'autre et je n'arrivais pas à penser que cela cesserait, bien que cela soit inévitable. J'étais complètement absorbée par le vert de ses yeux et je ne voyais pas l'intérêt de m'en détacher pour l'instant. J'avais pourtant l'esprit clair et j'arrivais à parler sans problème, contrairement aux héroïnes de mes romans, qui se noyaient dans les yeux de leur prince et en perdait tous leurs neurones. Si nous avions été dans un livre, j'aurais pensé avoir eu un coup de foudre. Or je n'étais pas dans un roman. Tout ce que je ressentais pour Lyn c'était une amitié forte, mais encore naissante. Puis de toute façon, j'avais onze ans, et c'était bien trop jeune pour être amoureuse selon moi, même si l'amour n'a pas d'âge selon mes parents. Mais comment qualifier ce qu'il se passait entre nous alors ? Était-ce un coup de foudre d'amitié ? Est ce que ça existait, au moins ? En tout cas, c'était ce qui me semblait être le proche de ce qu'il se passait.
Lyn devint pensive après que j'eus posé ma question, comme si elle réfléchissait à sa réponse. Elle finit par me dire que tout comme moi, elle adorait la musique, puis elle me renseigna sur son style de livre, c'est à dire de la fantasy, du merveilleux et de la science fiction. C'étaient aussi des genres que j'appréciais beaucoup. Cependant elle semblait presque gênée de m'avoir répondu que c'était ce qu'elle lisait, comme si j'allais la juger sur ça. Je n'étais pas du genre à juger les gens, et encore moins sur leurs goûts ! J'appréciais la diversité des personnalités, c'était ce qui rendait chaque rencontre unique selon moi. Je détestais plus que tout les gens qui se moquaient des autres sur leurs goûts et choix, ils avaient le don de me faire sortir de mes gonds très facilement. Je me reconcentrai sur la question de Lyn, puis je lui répondis avec un sourire, les yeux toujours plongés dans les siens.

- Mais c'est génial ! Ce sont aussi des genres que j'aime beaucoup. Je lis aussi des livres à l'eau de rose, et des contes de sorciers. Donc plus de romans Moldu que de sorciers en fin de compte, mais on s'en fiche un peu. Tant que le livre est bien écrit et l'histoire intéressante, son auteur importe peu je trouve.

J'avais bien sûr résumé ma liste, ne tenant pas à endormir Lyn avec le détail de mes lectures. Je n'avais pas précisé que je lisais aussi des livres sur la botanique depuis peu. Puisque la matière n'était pas enseignée en première année, j'avais décidé de me documenter moi même sur le sujet, en passant des après midi entières à la bibliothèque. Ne voulant pas que Lyn me pense trop "rat de bibliothèque" j'avais préféré sauter ce détail. Mais si moi j'étais un "rat", j'aurais plus comparé Lyn à un chat. Elle avait été méfiante au début, et avait semblée légèrement tendue lors de notre discussion. Puis s'était apaisée et s'était révélée être une jeune fille pleine d'énergie et joyeuse. J'étais plutôt fière de ma comparaison, puisque d'habitude j'étais incapable d'en faire de bonnes. J'attendais ensuite que le petit chat réponde, en savourant le moment, le vent dans l'herbe et le soleil qui me chauffait légèrement la peau.
*Quel magnifique après midi*

C'était un duel de regard qui se déroulait là, entre les deux fillettes. Lyn connaissait ça plutôt bien, elle en faisait souvent avec son petit frère, ses parents, ou ses camarades les plus proches. Les enfants se regardaient, puis inconsciemment, soutenaient le regard de l'autre, et les deux s'en rendant compte, cela finissait en petits sourires amusés et un air de défi sur leurs petites bouilles, et c'était à celui qui lâcherait le premier. Lyn gagnait souvent contre Esteban, mais rarement contre ses camarades d'école. Probablement parce qu'elle était beaucoup plus timide qu'eux et qu'elle était traumatisée par leurs yeux exorbités et leur regard fou.
Mais à ce moment précis, le regard de Solwen était très doux, certainement parce qu'elle ne considérait pas spécialement ce maintient de regard comme un duel. Lyn ne le ressentait pas exactement comme tel non plus, à vrai dire. La situation était semblable à celle des combats oculaires, mais l'atmosphère était complètement différente. Chacune était plongée dans les yeux de l'autre sans que cela gêne l'une ou l'autre.
Solwen, un large sourire dessiné sur son visage, répondit à sa camarade avec vivacité. Lyn était contente d'apprendre qu'elle avait quelques lectures en commun avec son amie (ou du moins c'est ce qu'elle avait compris par la réponse). Il fallait dire que vu tout ce qu'elle avait cité, c'était sûrement une grande lectrice assez ouverte.
Lyn répondit par un sourire timide et acquiesça à la dernière remarque de Solwen, d'un léger hochement de tête et d'un "oui" presque murmuré. Elle n'avait pas grand chose d'autre à dire, à ajouter sur le sujet.
Elle n'avait aucune idée de chose à mettre sur le tapis. La discussion s'était éteinte d'elle-même, et Lyn n'aurait pas su la continuer. Elle adorait les romans, mais elle préférait les lire que d'en parler. À part peut-être parler d'un roman en particulier qui lui aurait beaucoup plus et que Solwen, par hasard, connaîtrait, la fillette ne se voyait pas animer, pendant plusieurs minutes, la conversation sur les types de bouquins qu'elle aimait. Pour elle, les conversations qui n'étaient pas dynamiques ne devaient pas durer trop longtemps, sinon elles n'étaient que du vide sur lequel on s'attardait. Sans intérêt, donc.
Lyn réfléchissait à toute vitesse pour trouver quoi dire. Non pas que le silence soit gênant – c'était déjà le deuxième petit blanc de leur discussion –, mais elle craignait que son amie prenne mal le fait qu'elle n'ait pas répondu avec énergie, comme si la petite italienne s'en fichait de ce que sa camarade disait. Bon, Solwen ne semblait pas du genre à se plaindre pour ce genre de choses, mais ça pouvait être vexant.
Lyn détourna les yeux, et son regard vint se fixer sur sa bouteille d'eau, près de sa main droite. Elle était remplie jusqu'à un peu moins de la moitié environ – ou vidée de plus de la moitié, au choix. L'aiglonne se redressa quelques secondes, but une gorgée pour se rafraîchir encore, puis se rallongea aussitôt, et fit un petit sourire à Solwen.

– Je... J'ai... Après ces mots très explicites, Lyn se tut. Bon, finalement elle n'avait rien à dire. Elle aurait voulu justifier ce rafraîchissement par le fait que le Soleil tapait un peu fort, mais elle n'avait même pas spécialement chaud. Elle avait bu juste pour "expliquer", combler ce soudain arrêt dans la discussion. Par contre, une question lui sauta à l'esprit tandis qu'elle cherchait quoi ajouter. D'ailleurs, tu aimes le sport ?

Bon, Princesse n'avait pas forcément l'air très athlétique, mais ça ne voulait rien dire. Lyn elle-même adorait bouger mais était toute fluette et pas du tout costaud. Sport ne voulait pas forcément dire fort. Si elle pouvait trouver une compagne de bougeotte, la petite italienne en serait ravie.

Chaton me sourit timidement avant d'hocher doucement la tête et d'acquiescer. J'appréciais beaucoup le fait qu'elle soit d'accord avec moi, ça prouvait qu'on avait des points communs, ce qui me semblait être une bonne base pour une relation. Je savais bien sûr qu'on pouvait nouer des amitiés avec des gens très différents de soi mais ça ne m'étais encore jamais arrivé.
Le silence s'installa une nouvelle fois entre nous mais il n'était pas pesant, au contraire. Nos regards, plongé l'un dans l'autre, parlaient pour nous.
Ce fut Lyn qui rompit le contact, pour regarder sa petite bouteille d'eau posée dans l'herbe à sa droite. Elle se redressa quelques instants pour boire un peu, diminuant la quantité d'eau qu'il lui restait.
Elle s'allongea de nouveau à mes côtés et me gratifia d'un léger sourire. Je lui souris en retour. Elle bégailla légèrement, avant de se taire de nouveau, comme si elle cherchait ses mots. Je lui laissais donc le temps de formuler ses pensées. Il n'était pas question de la braquer. Quand elle reprit la parole, sa question me surprit. Je ne m'attendais pas à ce que la conversation dévie sur le sport mais c'était cohérent vu qu'elle était en train de danser avant que j'arrive. Je me tournai vers le ciel, mon regard perdu dans les nuages. Est ce que j'aimais le sport ? En cours non, j'avais toujours détesté ça. Les activités proposées ne me convenait jamais, et je n'aimais pas du tout être comparée aux autres. Par contre en dehors de l'école oui le sport me plaisait. J'essayai donc de répondre de façon claire à sa question.

- Hum.... Je me tournai dans sa direction et lui offrit un sourire. Je dirais que à l'école non, mais en dehors oui. J'ai fait de la natation avant d'arriver à Poudlard, et j'adore danser. Je cours aussi le samedi matin. Et toi ? Je suppose que tu aimes danser déjà.

Peut être qu'on pourrait se retrouver pour faire une quelconque activité sportive ? Ça pourrait être vraiment sympa, surtout avec elle. Je me mis à jouer avec une de mes tresses, imaginant déjà tout ce que je pourrais faire en compagnie de Lyn.