Tous trois hochèrent la tête d'un même geste, presque d'un même corps, à la réponse de May. Ils suivirent ensuite Mary, Narcisse surexcité et tout enjoué, trimballant sa belle jarre au-dessus de sa tête en sifflotant joyeusement. Oscar et Honor lui emboîtaient le pas, un petit mètre derrière lui. Lorsqu'ils arrivèrent à la table, Narcisse ouvrit de grands yeux.

« WOOOOOOOH ! C'est trop bien !! »

Sans même perdre une seconde, il s'assit sur une chaise, déposant son petit bocal précieusement à côté de lui.

« J'me mets là ! Mary tu t'mets à côté d'moi ? »

Il laissa balancer ses pieds dans le vide tandis que ses parents s'assirent à sa droite. Oscar observait de nouveau les alentours, tout souriant, Honor conservait toujours son visage neutre et sa posture droite. Oscar et Narcisse tapotèrent joyeusement dans leurs mains, émerveillés lorsque la nourriture arriva en flottant magiquement.

« Woooow c'est trop bien !
— Comme il serait pratique que nous puissions également en faire ! »

Lorsqu'il se tourna vers Honor, son visage se figea. Elle était pâle comme un linge, les yeux écarquillés. Ses ongles s'étaient enfoncés dans la paume de sa main.

Le cœur d'Honor tonnait à son oreille. La simple vision de cette démonstration magique avait suffit à lui ramener des flashs de ses souvenirs. La présence de Narcisse suffisait à décupler son inquiétude et ses angoisses. Comment pourrait-elle faire si soudainement, ils décidaient de s'en prendre à lui. C'était absurde, ridicule, et sans fondement, elle le savait encore une fois, et cette culpabilité s'ajouta sans pitié à celle d'avant. Comment pouvait-elle se laisser ainsi emporter ? Mais c'était plus fort qu'elle, et ce ne fut que grâce à son immense volonté qu'elle réussit à retenir toute réaction, mais...

« Tu ne trouves pas, ma chérie ? »

Une simple main, celle d'Oscar, qu'il posa sur son épaule. En un instant, tout s'apaisa. Elle expira doucement, ses épaules se détendirent, son cœur ralentit. Elle lui jeta un regard, et elle vit qu'il savait parfaitement ce qu'il faisait. Son sourire confiant et rassurant, son regard ouvert et tendre, et ce délicat contact du pouce sur sa peau. Elle agrippa doucement cette main en fermant les yeux un court instant, avant de hocher la tête.

« Rien ne vaut, selon moi, deux bonnes mains solides et adroites. Mais il est vrai que... ce serait amusant. »

Elle sourit. Si Oscar avait été un tant soit peu différent, il aurait disposé d'un pouvoir proprement redoutable. Son inquiétude et ses peurs n'avaient pas totalement disparues, mais elles avaient été reléguée au second plan. Narcisse s'était, pendant ce temps, intéressé au plat et à tout ce qui se présentait, s'émerveillant de chaque chose.

« Oooh, j'veux bien goûter le sirop d'cerise s'il vous plaît ! Et ça a l'air trop bon ! »

Dit-il avant de commencer à déguster d'énormes bouchées de nourriture. Tout en réussissant à rester surprenamment propre et diligent, aucune saleté ni aucun bruit parasite. Il mangeait comme un pro, cela fit sourire Oscar et Narcisse. Il tapota une dernière fois l'épaule de sa femme, avant de faire un clin d'œil à Narcisse.

« Fiston, tu digères mal le soda.
— Ah oui crotte... Euh, j'pourrais avoir du jus d'citrouille s'il vous plaît alors ?
— En revanche, je prendrais bien le sirop pour ma part, je vous prie. Tout ceci à l'air proprement délicieux ! »

Narcisse donna un coup d'épaule à son père qui se frottait les mains après avoir attaché sa serviette autour de son cou. Honor avait pendant ce temps tiré une petite boîte en carton de son sac, dont elle tira une plaquette de gélules, avant d'en extraire une qu'elle déposa à côté de son assiette. Un œil attentif aurait pu réussir à lire : "Paroxétine" dessus. Elle croisa ensuite ses avant-bras sur la table face à elle, avant de demander d'une voix surprenamment douce.

« Simplement de l'eau pour moi, s'il vous plaît. »

Tout le monde avait enfin pris place autour de la table. Mon papa s'était occupé de servir la boisson à tout le monde et je ne pus m'empêcher de regarder avec curiosité la boisson de mes parents.

- Qu'est-ce qu'il y a ? Tu es curieuse ?

- Oui. Quand est-ce que je pourrais goûter le vin de Sureau ?

Il semblait amusé et s'apprêtait même à me répondre vu qu'il venait d'ouvrir grand la bouche mais ma mère l'interrompit et je fis la moue.

- Tu es très loin d'avoir l'âge pour, jeune fille !

Je ne rétorque rien et me contente de commencer à manger, comme pour accepter la clôture de la discussion. Je vis alors ma mère regarder nos invités. Je sens l'interrogatoire arriver dans quelques secondes.

- Que faites-vous dans la vie, dites-moi ? Je suis curieuse d'en apprendre plus.

Voilà, j'en étais sûre. J'échange un regard complice avec mon papa et on se retient de rire tous les deux. Je le sens alors se pencher vers moi et me murmurer à l'oreille.

- Je te ferais goûter quand ta mère ne sera pas dans les parages.

Mon sourire grandit et et je pose un court instant ma tête sur son bras pour le remercier. Je savais que je pouvais compter sur lui pour passer outre l'avis de ma mère. Je regarde ensuite l'assiette de mon autre voisin de table.

- C'est à ton goût, Narcisse ?

Oscar et Narcisse se regardèrent, amusés, en assistant à l'interaction entre Mary et ses parents. Narcisse avait été vacciné du goût de l'alcool en Italie, lors d'un voyage, après qu'il eut voulu à tout prix goûter le verre de son père. Autant dire qu'après, il n'a plus jamais retouché à une goutte d'alcool, non merci, pas pour lui ! Si Oscar avait été une connaissance plus amicale de la famille, il se serait proposé lui-même pour faire goûter à Mary ce fameux vin.

Pendant ce temps, le visage d'Honor s'était crispé. Toute son attention était focalisée sur la montre qu'elle portait à son poignet gauche. Quelques bips très faibles s'en échappèrent, l'écran grésilla, elle grimaça. La bouche pleine, Narcisse avala rapidement sa bouchée pour la regarder, l'air anxieux.

« Maman, elle va pas marcher ici, ta montre, à cause de la magie... »

Oscar la regarda à son tour, lui aussi l'air étonnamment inquiet. Honor soupira, ferma les yeux, puis la retira souplement, avant de la tendre à son mari, qui la rangea dans sa poche. Ce dernier se pencha ensuite vers elle pour l'embrasser sur la joue.

« N'y fais pas attention, d'accord ? Si tu y penses trop, ça risque de te stresser. »

Elle hocha la tête en lui pinçant le menton pour lui rendre son baiser, puis tous deux se mirent à manger. Oscar était beaucoup moins droit d'Honor, dont la posture était en tout point impeccable, militaire. Lorsque la mère de Mary commença son interrogatoire, Honor ne put retenir un très léger sourire, tandis qu'Oscar ne décela pas le moins du monde que c'était un interrogatoire. Il était bien trop heureux de pouvoir discuter de choses légères. Il avala sa bouchée, avant d'agiter sa fourchette distraitement au rythme de ses paroles.

« Et bien, pour ma part, j'ai la chance d'être instituteur ! J'ignore si vous disposez d'un équivalent, chez les sorciers. Mon fils m'a parlé des précepteurs, mais il ne semble pas y avoir d'école avant Poudlard, de ce qu'il en a compris. C'est très intéressant, que l'éducation chez les sorciers soit ainsi transversale et horizontale, même si j'essaye moi-même de ne surtout pas instaurer de système hiérarchique avec mes élèves, j'imagine que cela doit être très différent d'être éduqué chez ses parents ! J'adore mon métier, même si j'aimerais pouvoir faire mieux. »

Honor le gratifia d'un doux coup de coude.

« Interdiction de me ramener un nouveau trophée en papier mâché.
— Tu veux qu'on parle des tiens peut-être ? «

Oscar désigna sa femme du pouce, l'air souriant, amusé.

« Honor était l'une des meilleures de sa promotion, à l'école militaire. Figurez-vous qu'à seulement 26 ans, elle était déjà capitaine ! J'ignore si vous vous rendez compte, mais... »

Narcisse se racla la gorge, Oscar se tut, et regarda Honor, qui s'était quelque peu raidie. Il rajusta ses lunettes, d'un air embarrassé, elle sourit, moqueuse, avant de prendre à son tour la parole.

« J'ai effectivement été militaire toute ma vie, du moins, jusqu'à il y a trois ans. »

Une légère hésitation, une légère tension, Narcisse n'avait pas envisagé un seul instant ce problème. Oscar et Honor oui, mais ils s'y étaient préparés, et Honor n'était de toute manière pas du genre à dissimuler.

« Depuis, je travaille en tant que formatrice pour l'ONU, c'est une organisation qui réunit les pays moldus, et je m'occupe de former certains de leurs agents. »

Elle déposa ses couverts, pour croiser les mains devant son visage, profitant de ce bref instant pour poser son pouce sur sa jugulaire, afin de prendre son pouls. Sans sa montre, la voilà réduite à la bonne vielle méthode. Tout allait bien, il était régulier et calme. Ses yeux noisette portaient un regard énigmatique sur les deux adultes assis à la table.

« Et vous ? »

Narcisse se désintéressa de la conversation adulte, pour répondre à Mary.

« C'est super bon ! J'adore !
— J'approuve, un délice. »

Oscar hocha la tête en regardant Mary, un doux sourire aux lèvres, laissant la conversation à sa femme pour un temps.

L'ambiance semblait s'être apaisée et je souriais gaiement en regardant toutes les personnes assises autour de la table. En tout cas, c'était le cas jusqu'à ce que j'entende Narcisse parler à sa mère d'une montre qui ne pourrait pas fonctionner à cause de la magie ? Dans l'incompréhension, je jette un coup d'œil au poignet de sa mère. Comment ça ? Sa montre ne peut vraiment pas fonctionner chez nous ? Pourquoi ? Est-ce que tous les objets moldus sont hors d'état de fonctionner chez des sorciers ? Je l'ignorais. Je regarde alors mes parents, à tour de rôle. Peut-être peuvent-ils faire quelque chose ? Je les vois alors échanger un drôle de regard. Je fronce légèrement les sourcils. C'était quoi ce regard à l'instant ? Je voulais leur poser la question et comprendre pourquoi je trouvais l'ambiance étrange depuis de longues minutes maintenant. Oui, pourquoi ai-je l'impression que la maman de Narcisse ne se sent pas à l'aise chez nous ? Qu'est-ce qu'on a fait de mal ?

Je n'ai cependant pas eu le temps de demander quoi que ce soit. Comme pour mieux avancer la soirée, ma mère a commencé à leur poser des questions et je me suis donc contentée de manger sans rien dire. Si j'avais bien compris les plans de mes parents, car même si mon père ne disait encore rien, je savais qu'il était du côté de ma mère, je n'en étais pas déçue puisque cela allait me permettre d'en savoir plus sur les parents de Narcisse et surtout sur le quotidien de moldus. Il faut dire que je n'en fréquente pas, en temps normal.

- Oh ! Vous êtes donc instituteur. C'est un métier très intéressant. Avez-vous eu le plaisir d'enseigner à votre propre fils ?

Mon père semblait très intéressé tout à coup. Je le regarde un court instant avant de reposer mon attention sur Mister Brando. Est-ce normal ? Je n'ai rien compris à ce qu'il a dit. Enfin si, il me semble qu'il est un professeur pour jeunes enfants mais pourquoi a-t-il parlé de système hiérarchique ? Que voulait-il dire par là ?

- Il est vrai que chez les Sang-Purs, les enfants n'ont pas pour habitude de se mêler aux autres avant leur entrée à Poudlard. C'est.. disons, une habitude de sorciers que d'apprendre la magie auprès de ses parents en attendant ses 11 ans. Ils sont baignés dedans depuis tout petit.

Voilà que ma mère parle de notre statut de sang et cela me met mal à l'aise. De mauvais souvenirs, certaines affiches, me reviennent en mémoire et je grimace légèrement. Je soupire discrètement avant de me forcer à participer à la conversation et de sourire comme si de rien n'était.

- Peut-être que vous ne connaissez pas ce terme, j'ignore si Narcisse vous a expliqué les statuts de sang. Cela ne m'étonnerait pas qu'il n'en ait rien fait.

Amusée, je taquine mon camarade avant de reprendre.

- Dans le monde magique, suivant nos familles et la présence ou non de sorciers, plusieurs statuts de sang existent. Nous avons les Né-moldus, ce qui correspond à Narcisse par exemple. Un moldu est une personne ne pouvant utiliser la magie, comme vous. Donc un né-moldu est un sorcier venant de deux parents moldus. Nous avons l'opposé, les Cracmols. C'est le total inverse. Nous avons deux parents sorciers mais l'enfant n'en est pas un. Ensuite, il y a les Sangs-Mêlés. Je pense que vous commencez à comprendre le principe. Un parent sorcier et un parent moldu. Les Né-Sorciers sont de deux parents sorciers mais avec la présence de d'autres statuts de sang dans leur arbre généalogique. C'est ce qui les différencie des Sang-Purs qui représentent des familles exclusivement sorcières. Ce qui est notre cas. Aussi bien du côté de ma maman que du côté de mon papa, il n'y a jamais eu que des sorciers. C'est pour cette raison que les Sang-Purs n'envoient pas leurs enfants aux écoles moldues avec d'autres enfants. Puisque dans ces familles, seule la magie a toujours existé donc... les enfants apprennent à vivre avec la magie, à la maison, jusqu'à leur entrée à Poudlard où ils apprendront à s'en servir. Bien que dans une famille de Sang-Purs, il arrive parfois que les enfants aient déjà eu usage de la magie avant d'entrer à Poudlard.

Est-ce que j'avais trop parlé ? J'ai comme l'impression d'avoir enchaîné un très long monologue depuis tout à l'heure. Je me pince alors la lèvre, me forçant à me taire. Je voulais leur expliquer pour ne pas qu'ils se sentent perdus mais peut-être en ais-je trop fait ? Je sentis la main de mon père venir caresser la mienne et son sourire me rassura. Je regarde alors ma mère et elle me sourit aussi. Je crois que c'est leur manière à eux de me dire que j'ai bien fait. Inutile de se poser plus de questions, c'est au tour de sa maman de nous parler de son travail et là, un silence envahit la salle à manger lorsqu'elle eut fini de parler. Encore une fois, je n'avais rien compris. Mais le plus drôle était que mes parents non plus, cela se voyait à leurs visages.

- Excusez-nous mais... vous avez dit militaire ?

- Nous devons certainement avoir un équivalent dans le monde magique mais c'est bien la première fois que nous entendons un terme pareil. En quoi consistait ce métier de militaire ?

Je clignais des yeux, regardant chaque adulte à tour de rôle. Je voulais moi aussi en savoir plus mais la voix de Narcisse ainsi que celle de son père résonnent à mon oreille et je me tourne vers eux en souriant.

- Vous m'en voyez ravie. Régalez-vous !

- Nous ? Eh bien, nous travaillons ensemble, ma femme et moi.

J'entendis soudainement mon père entamer le sujet de leur travail et je me reconcentre sur leur conversation. J'adore les entendre parler de leur métier et passion commune. Je souris, des étoiles dans les yeux. Je saisis alors soudainement la main de Narcisse, comme pour un réflexe de survie. Je vais alors me pencher vers lui et lui murmure à l'oreille - pour ne pas déranger la conversation en cours :

- Tu vas voir, c'est incroyable ce qu'ils font !

- Savez-vous ce qu'est le Consilium ? Il serait peut-être plus intéressant que l'on vous explique déjà pour qui l'on travaille avant de vous expliquer notre métier.

L'attention d'Honor sur son repas faiblit doucement lorsque les discussions s'accentuèrent. Peu importe la période de sa vie, peu importe son âge et avec qui elle était, cette femme saisissait la moindre opportunité pour étudier les autres. Le savoir était une arme, et elle l'utilisait sans la moindre vergogne. Plus particulièrement lorsque cela touchait à son fils, elle se devait de tout savoir sur tout, pour le protéger. Si Oscar et Narcisse passent un très bon moment, et elle aussi, au final, elle ne peut s'empêcher de bien davantage examiner et détailler les interlocuteurs. Elle saisit et comprend la confusion sur sa montre, l'inquiétude et le trouble, et surtout, elle perçoit enfin que sa propre présence est source d'une partie de ce trouble.

Elle serre les dents, avant d'expirer pour corriger sa position et afficher de nouveau son masque plus cordial. Honor ne mentait pas, elle ne mentait jamais, mais il était hors de question qu'elle amène d'elle-même le sujet de ses tracas. Elle se raccroche à un phare dans sa nuit, Oscar qui, malgré les apparences, comprend très bien ce qu'il se passe. Et jamais elle ne pourra le remercier suffisamment pour le millième geste qu'il fit pour elle en cet instant. Elle avait arrêté de les compter. La main d'Oscar glissa sous la table pour venir serrer la sienne, elle se retint de serrer trop fort. Ce dernier menait la conversation d'une main de maître, comme il aimait le faire. Il ne faisait rien consciemment, mais sa personnalité était tel un soleil rayonnant.

« Passionnant même ! Mais hélas non, je n'ai jamais enseigné à Narcisse. Pas dans le cadre de l'école tout du moins, nous tenions à mettre cette distance, par égalité envers les autres élèves.
— Bah oui, c'aurait pas été juste que j'ai mon papa en prof !
— Et je sais que je n'aurais pas pu m'empêcher de constamment lui tirer les joues ou de lui faire des câlins, vous imaginez le malaise ? Mais l'éducation sorcière est très intéressante, je me demande comment Poudlard fait pour uniformiser les connaissances avec toute cette diversité d'élèves. Il faudrait que je m'inspire de leurs méthodes didactiques, vu comment Narcisse m'en vante leurs mérites ! »

Tous deux rirent en chœur, et même Honor sourit, mais elle ne lâcha pas la main d'Oscar. Narcisse tiqua à la mention des Sang-Purs, et étonnamment, ses parents également. Tous trois semblèrent s'immobiliser pour les écouter, attentivement. Oscar était véritablement intéressé, le coude sur la table, le bas du visage derrière sa main qui frottait son menton. Narcisse était perturbé par la pensée des affiches et de Leann, et des expériences qu'il avait eu. Et Honor, elle, ne put retenir une partie de son aura de filtrer au travers de sa carapace, rien qu'à la pensée de leur altercation avec la famille Hartley. Mais Oscar fit un excellent médiateur en écoutant la petite Mary.

« Tiens donc ! Je n'aurais jamais pu imaginer une société dans laquelle on catégorise encore les gens selon leur naissance... C'est fort intriguant. Mais il est vrai que cela prend du sens sous un certain point de vue ! J'adorerais voir les méthodes utilisées et les critères... »

Narcisse s'apprêta à ouvrir la bouche pour dire son avis sur la question, mais Oscar fit un geste souple et très discret de la main, une parfaite exécution avant de reprendre la conversation, tournant son regard vers son fils à la fin de sa phrase.

« Et il va de soi que c'est un système qu'il faudrait davantage étudier ! Narcisse, tu m'en parleras plus longuement, n'est-ce pas ? Tous les tournants et aboutissants, toutes les possibilités, tant de nouveautés, quelle excitation tu ne trouves pas ? »

Narcisse écarquilla grand les yeux, avant de finalement se laisser emporter par l'excitation de son père. Son comportement le rassurait, et au final, Mary était sang-pur, tout cela ne voulait rien dire du tout ! Un sourire illumina ses lèvres.

« Ouais carrément ! Mais Mary est bien mieux placée, elle est Sang-Pur tu sais ? Et puis elle est trop gentille j'suis sûr que vous allez trop bien vous entendre ! »

Oscar réagit à nouveau à la vitesse de l'éclair, faisant imperceptiblement pivoter son buste pour interrompre sa femme qui venait d'ouvrir les lèvres. Il savait ce qu'elle allait dire, aussi rajusta-t-il habilement ses lunettes. Elle n'eut le temps que de prononcer un souffle.

« J'en suis ravi ! De plus, si l'on y réfléchit bien, ce ne doit pas être bien différent du système de l'aristocratie ou de la noblesse chez nous. Pour vous expliquer rapidement, c'est tout simplement une partie de la population qui se voit octroyé un vieux statut dû à sa naissance, bien que cela soit tombé en dérision il y a des décennies, même des siècles. Je trouve, de toute manière, qu'à part une écriture sur un bout de papier, cela ne change rien ! Enfin, je ne sais pas ce que cela représente pour vous, mais regardez Narcisse et Mary, les meilleurs amis du monde, et d'un statut totalement opposé, si j'ai bien compris vos explications. Et même regardez-nous, moldus et sorciers, profitant d'un excellent dîner tous ensemble ! La preuve ultime que cela n'à rien à voir avec comment nous agissons, il faudrait être inexpérimenté pour s'arrêter à un statut de naissance. »

Lorsqu'enfin, il termina, il saisit doucement son verre pour le porter à ses lèvres. Et discrètement, il fit un clin d'œil entendu à Mary, un sourire sur son visage. Il savait, il comprenait, il imaginait. Il avait désamorcé tous les potentiels problèmes et tous les potentiels accident. En cet instant, rarement il avait autant représenté le ciment de la famille Brando

Honor expira doucement, souriant presque bêtement, le regard tourné vers lui, elle était tellement amoureuse. Narcisse, quant à lui, hochait la tête à ce que disait son père en ajoutant quelques commentaire çà et là. Mais le temps d'un instant, seuls Honor et Oscar existèrent dans leur monde. Puis, le mot militaire brisa ce silence, et Honor frémit. Elle ferma les yeux un court instant. Oscar lui lança un regard désolé, ce n'était pas à lui de lui voler ce rôle, et elle le savait, elle l'accepta, avant de prendre une grande inspiration.

Son regard noisette se posa sur la famille Bain, et sa voix grave parla posément.

« Pour faire très simple, et je me doute que vous devez avoir quelque chose de similaire : les militaires sont la force armée d'un pays. Ils le défendent en cas d'attaque, nous pouvons intervenir également pour des problèmes internes, et même opérer sur d'autres territoires si la situation l'exige. »

Lorsqu'elle saisit son verre, sa main trembla légèrement malgré elle.

« Pour vous donner un exemple, la dernière mission que j'ai effectué, comment dire... »

Elle but une gorgée, à la fois pour temporiser et pour choisir ses mots.

« Je conseillais les forces armées lors d'une opération, exceptionnellement, je ne portais pas d'arme. Ce corps de métier peut être amené à accomplir de multiples tâches. »

Voilà, elle ne pouvait pas en dire davantage, elle reposa le verre sur la table, prenant une grande inspiration, priant pour qu'aucune question ne surgisse. Oscar lui caressa le dos de la main, avant de récupérer ses couverts pour continuer le repas.

Narcisse tiqua en rougissant, avant de se figer lorsqu'elle le prit par la main. Réflexe malheureux : il la lui serra en retour tandis qu'il rougissait. Son visage avait explosé non ? Heureusement qu'il ne la regardait pas dans les yeux, là, ce serait pire ! Il se contenta d'oublier ce petit tracas en redirigeant son attention sur les parents de Mary, oubliant de lâcher sa main.

Oscar reprit la conversation aussi habilement qu'un joueur professionnel de basket.

« Du tout non ! Je vous en prie, expliquez-nous tout, nous sommes toute ouïe ! »

J'étais surprise en entendant qu'ils avaient refusé d'être ensemble. Je ne comprenais pas vraiment, essayant de me mettre à la place de Narcisse. Je le regarde, curieuse.

- Ah oui ? Et pourquoi est-ce que cela n'aurait pas été juste ? Moi par exemple, j'ai adoré avoir mes parents pour m'apprendre tout un tas de choses. Tu penses que ton papa n'aurait pas agi de la même façon avec toi qu'avec les autres enfants ? Mais.. c'est normal, non ? Je veux dire, tu es son fils. Est-ce que ça aurait vraiment posé problème ?

J'étais véritablement curieuse sur la question. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi ils étaient si sûrs d'eux par rapport à l'apprentissage de Narcisse avec un autre professeur que son propre père. J'ai eu un début de réponse avec ce qu'a dit son père ensuite mais je voulais surtout connaître le point de vue de mon ami.

Mes explications sur les statuts de sang ont également posé problème, on dirait. Un certain silence et une certaine gêne semblaient en résulter mais heureusement Mister Brando semblait très intéressé par la question. Il rapprochait mes explications à mon amitié avec Narcisse et cela me rassura. Il avait compris que notre famille, bien que Sang-Pur, n'était pas mauvaise et cela me retira un énorme poids. Lorsqu'il finit par me faire un clin d'œil, je ne pus m'empêcher de lui sourire. Cet homme... Je l'adore.

Je vis mes parents acquiescer et se sourire doucement également. Je compris instantanément qu'eux aussi semblaient apprécier le père de famille. J'étais heureuse que Narcisse puisse descendre d'un homme si bon et si ouvert d'esprit. La conversation put alors se poursuivre tranquillement et lorsque ce fut au tour de Madame Brando de nous expliquer plus en détails son métier, je crus voir une lueur dans les yeux de ma mère. Une lueur signifiant qu'elle venait de comprendre. Est-ce que ces explications étaient si claires que ça ? Pourquoi avais-je toujours du mal à saisir quel était son ancien métier alors ? Suis-je trop jeune pour comprendre ? Sans doute. Je ne pose alors aucune autre question, ne voulant pas paraître trop intrusive.

- Dis-toi qu'elle était à sa façon, une membre d'une brigade à l'instar de la brigade magique que tu connais. Le monde magique et le monde sorcier sont différents mais chacun de nos mondes doit avoir des personnes pour le protéger.

J'écoute attentivement ma mère qui semblait avoir compris mon ignorance et qui semblait vouloir m'apporter un peu plus de réponses ou du moins une réponse que je serais en mesure de comprendre un peu plus.

- Ah oui je vois ! Dans ce cas, vous deviez être très forte dans votre domaine. C'est impressionnant !

Bien entendu, je me demandais comment pouvait-elle protéger le monde sans baguette magique mais je n'ignorais pas non plus que les moldus devaient avoir leurs propres objets et méthodes pour cela. En tout cas, cela me faisait prendre conscience que si elle m'avait paru si incroyable à peine rencontrée, il y avait bien une raison derrière. Son ancien métier la rendait imposante et incroyable à mes yeux, bien qu'il me manquait encore, sans aucun doute, bon nombre d'informations à son sujet.

- Notre fille a raison. Votre métier semblait très important et certainement difficile à expliquer, au vu des différentes missions qu'il vous a été demandé de réaliser au cours de votre carrière. Nous ne serons pas plus curieux mais sachez que nous vous vouons une grande admiration. Protéger est un pilier de notre famille et vous en étiez une ambassadrice.

J'étais surprise des mots de ma mère mais aussi tellement rassurée de la voir si bienveillante. Enfin, l'ambiance allait pouvoir devenir plus fluide maintenant que ma mère s'ouvrait et souriait aussi sincèrement. J'étais d'autant plus pressée d'entendre mes parents parler de leur travail. Je sentis alors Narcisse serrer ma main et me demande si c'est parce qu'il est aussi excité que moi. Lui aussi a hâte d'entendre leur histoire, j'en suis persuadée.

- Est-ce que tout va bien Narcisse ? Tu sembles rouge.

Aux mots de ma mère, je me tourne pour regarder le visage de mon ami. Inquiète, je pose ma main libre sur son front. Je fais alors une petite moue.

- Bah alors.. Qu'est-ce qu'il se passe ? Tu n'as pas l'air d'avoir de la fièvre pourtant. Tiens, bois un peu. Tu es trop pressé d'entendre mes parents, c'est ça ?

Je ris en lui tendant son verre d'eau.

- Chérie, est-ce que tu souhaites... ?

- Non, explique leur. Vu la position de tes parents, tu es le plus à même d'expliquer tout ça.

- Bien, je vais essayer d'être le plus concret et simple possible. Si vous vous sentez perdus dans mes explications, n'hésitez pas à m'interrompre et à me poser des questions. Le Consilium est un immense bâtiment où travaillent bon nombre de sorciers. C'est le siège de notre gouvernement, pour que vous vous donniez un peu une idée de l'importance de ce bâtiment. Nous avons deux entités principales au sein de ce gouvernement : la chambre des sorciers et le conseil des sages. La Chambre des sorciers concentre les pouvoirs législatifs et exécutifs. De nombreux sièges y sont présents. Seuls des membres de familles Sang-Pur s'y trouvent et chaque siège représente une famille plus ou moins importante.

- Chaque siège est également héréditaire. Si le sorcier ou la sorcière possédant ce siège décide de le transmettre ou si cette personne meurt, alors son héritier ou son héritière devra prendre sa place.

- C'est exact. Ma mère est la matriarche de notre famille et siège à la chambre des sorciers. Lorsqu'elle voudra céder sa place ou lorsqu'elle nous quittera, je devrais prendre sa place.

J'écoute mes parents parler de la chambre des sorciers et de la place occupée par ma grand-mère. C'est la première fois que j'entends que mon père devra prendre sa place plus tard mais ne dis rien, bien trop concentrée sur leur récit.

- Le Conseil des sages détient le pouvoir judiciaire et représente le cœur administratif de notre gouvernement. Plusieurs secrétariats existent au sein de notre gouvernement et chaque secrétariat est présidé par un Secrétaire d'état. Ces derniers font partis du Conseil des sages et ils décident d'appliquer ou non les décrets proposés par la Chambre des sorciers. Mon père fait parti du Conseil des sages. Il est Secrétaire d'Etat aux Transports magiques. Il y a en tout 13 secrétariats différents. Nous pourrions vous les décrire si vous le souhaitez mais puisque la question initiale était sur notre métier... ma femme et moi travaillons pour le secrétariat à la Préservation de la faune et la flore magique.

Je fixais mon père tandis qu'il continuait d'expliquer en quoi consistait notre monde et leur métier.

- Notre secrétariat est divisé en trois sections : le bureau de liaison communautaire, le bureau de l'habitat magique et le bureau d'étude et de protection des créatures magiques qui est le nôtre. Notre rôle est de surveiller les créatures magiques et d'intervenir en cas de conflits avec les sorciers.

- Ils sont tous les deux Magizoologistes. Leur métier est incroyable ! J'aimerais faire comme eux, plus tard.

Un surplus d'excitation semble avoir eu raison de mon silence.

Honor ne peut retenir son sourire lorsqu'elle assiste, en parfait spectatrice, à l'adorable spectacle de son fils en train de rougir au simple contact de la main de son amie. Cette vision pourtant anodine lui mit un peu de baume au cœur. Instinctivement, Honor appréciait cette petite. Il s'en dégageait une énergie très appréciable, douce et surtout innocente. Avec une certaine fragilité. La militaire avait toujours été douée pour cerner les gens, et avait passé sa vie à affûter ce talent. Ce fut donc légèrement plus détendue qu'elle prit une nouvelle bouchée, se laissant aller à une longue expiration. Oscar souriait, Narcisse écoutait avec le même entrain, oubliant presque qu'il tenait la main de son amie, trop concentré sur son repas et la discussion.

Oscar rajuste ses lunettes pour répondre à Mary.

« Et bien, disons que j'aurais effectivement adoré avoir mon fils en classe, mais nous craignions tout deux que notre comportement soit affecté. Et faire du favoritisme n'étant dans notre nature ni à Narcisse, ni à moi, nous n'estimions pas juste que je me comporte différemment avec un élève en particulier.
— Oui ! Moi j'sais que j'aurais tout l'temps voulu lui faire des câlins ! »

Tous deux rirent, Honor sourit, puis tous ouvrirent leurs oreilles pour à leur tour prendre le rôle d'auditeurs. Honor hocha délicatement la tête en direction de Mary sous son compliment, son sourire s'adoucissant. Ce fut son mari qui réagit, il savait qu'elle n'était pas du genre à récupérer les compliments.

« Elle était très forte. Et elle l'est encore aujourd'hui, elle dispute des compétitions d'arts martiaux, et forme des jeunes militaires. »

Elle inspire, puis expire, une lassitude subtile passant au fond de son regard.

« C'était ma voie. »

Oscar lui prit la main, pendant que Narcisse se tourna pour réagir à la mère de Mary, l'air un peu paniqué et hésitant.

« Euh, euh, oui oui ! Tout va bien, j'rougis juste super facilement quand j'ressens un truc fort, c'est rien du tout, vrai... »

Il manque une respiration quand son amie pose sa main sur son front, ses parents pouffent d'un rire discret en se lançant un regard entendu.

« Euh, je, merci, merci, t'inquiète pas tout va bien vraiment ! »

Il but avidement le contenu du verre, laissant enfin les parents de Mary prendre la parole.

Honor croisa ses doigts devant le bas de son visage, Oscar croisa ses avant-bras sur la table, mais tous deux laissaient entrevoir leur grande attention. Honor tiqua au mot Consilium. Au mot gouvernement, au mot bâtiment.

Lentement, très lentement, elle sentait, au gré des explications, que son cerveau passait sournoisement en mode défense. Ses traumatismes remontaient à la surface, ravivés par les mots. Oscar ne le vit pas, il était trop absorbé par l'histoire qui le passionnait, et elle se raccrocha à cela, s'efforçant de dissocier ses souvenirs de ce qui se passait. Oui, tout était très intéressant, tout allait très bien, il n'y avait aucune nécessité de penser au Ministère et à l'incendie et... Merde. Ses dents crissèrent, son genou s'agita imperceptiblement.

Matriarche, hérédité, siège, place, famille, pouvoir, savoir... les mots s'entremêlent et s'assemblent, s'agitent et s'égosillent, hurlant à l'alarme. Décrets, appliquer... Le père au secrétariat, il sait !? Il sait ? Tous deux, ils savent ? Leur regard de tout à l'heure ? Honor tourne sa tête pour regarder Narcisse, se sentant soudainement prise au piège d'une menace invisible et illusoire. Ni son mari ni son fils ne remarquent son état, elle le dissimule parfaitement. Elle sait que c'est son esprit qui lui joue des tours, c'est ainsi qu'elle réussit à maintenir sa contenance.

Une fois le discours terminé, Narcisse avait des étoiles plein les yeux, et Oscar un sourire jusqu'aux oreilles. Le visage d'Honor aurait tout aussi bien pu être taillé dans la pierre. Son mari claqua dans ses mains tel un enfant surexcité.

« Par mes aïeux ! C'est fa-sci-nant ! Par où commencer ? Votre gouvernement a l'air, au final, assez similaire au nôtre ! Séparation, exécution, législatif, etc... En revanche, je dois bien avouer ma contrariété en apprenant que seuls les membres Sang-Pur peuvent siéger... Cela ne me paraît... pas très juste. »

Narcisse le regarde, alors qu'Oscar retire un instant ses lunettes pour se frotter les paupières.

« Ce n'est pas une critique, évidemment, ne je connais pas assez votre monde, mais cela m'intrigue, et m'inquiète. D'autant que j'ai cru comprendre mon fils avait, aux yeux de ce gouvernement, le nom de "sans-statut". »

Son visage s'était refermé le temps d'un instant, redevenant jovial lorsqu'il remit ses lunettes.

« Je suis très honoré de rencontré une future matriarche, ce n'est pas un concept avec lequel nous sommes familiers, nous les moldus. Enfin, je souhaite une très longue vie à votre maman, cela va de soi haha ! »

Son éclat de rire était cristallin et léger, Narcisse l'accompagna. Pas Honor, son index frottait nerveusement son pouce.

« Cette division en secrétariats... Passionnant ! Ce doit être une vraie fourmilière. Je suppose que c'est un rêve éveillé que de dire que je souhaite visiter un jour ce mystérieux bâtiment ?
— Dis pas ça papa ! J't'y emmènerai un jour ! C'est promis !
— Allons mon grand. Tu ne peux pas changer une politique centenaire en un clin d'œil. Même si je sais que tu en serais capable. »

Il ébouriffa tendrement les cheveux de son fils, tiraillé entre la fierté et la peine. Mais son sourire prévalait. Son regard s'illumina de nouveau.

« Magizoologistes dis-tu ma grande ? Mhm... Alors, un peu de sémantique... »

Il frotta son menton de son pouce et son index.

« Mhm, oui... Je me risque à une hypothèse, vous vous occupez des créatures magiques ?! Mes aïeux, c'est formidable et.. et... et trépidant ! »

Il manqua presque de renverser son verre en se redressant, tant son excitation était visible et palpable. Narcisse y était particulièrement sensible, et son sourire s'élargit sante limite.

« Tu vois papa, j't'avais dit que Mary avait un truc avec les animaux, c'était sûr quand elle a pris Klee elle... »

Plic.

Oscar et Narcisse se figèrent, et tous deux pivotèrent brusquement en direction d'Honor.

Les mèches de ses cheveux dissimulaient en partie son œil, mais l'autre était parfaitement visible, et était écarquillé, injecté de sang. Un infime tremblement agitait ses fins cheveux noirs. Son expression était tendue au point d'exploser, ses narines étaient dilatées, autant que ses pupilles noisette. La pâleur de son visage contrastait avec le filet de sang perlant de son nez. Une deuxième goutte, la nappe se tâcha. Ses doigts effleuraient sa cicatrice, ile tremblaient.

Avant que Narcisse ou Oscar puisse réagir, elle cligna des yeux, et tout disparu.

Elle sembla sortir d'une torpeur cauchemardesque, et posa sa main sur son nez, l'air embarrassée.

« Chérie... »

Sa main se leva pour couper son mari, Narcisse s'était déjà levé pour tirer un mouchoir et le tendre à sa mère. Oscar s'était doucement rassis, lançant des regards d'excuse à ses hôtes, ce n'était pas à lui, ni à Narcisse, de parler du pourquoi du comment, aussi attendaient-ils qu'Honor soit en état de parler.

« Merci Narcisse... »

Elle s'essuya rapidement et habilement, avant de prendre son pouls de sa main libre. Battant et rapide, irrégulier, nerveux, elle grimaça. Elle soupira, et leva les yeux.

« Pardonnez-moi. »

Narcisse était déjà en train de nettoyer la tâche de sang. Il savait parfaitement comment faire : à l'eau froide. Il utilisait un peu du contenu de son verre pour cela, lançant lui aussi un regard d'excuse à Mary, empli d'inquiétude. Honor se reprit, faisant disparaît le mouchoir dans son sac, ne remarquant pas un reste de sang sur sa lèvre supérieure.

« Je suis confuse. »

Elle regarda Oscar, il lui prit la main, tandis que Narcisse leva les yeux.

« Pardon, j'ai essayé d'nettoyer du mieux que j'pouvais, c'est pas totalement parti. »

Oscar lui tapota la tête, et l'incita à se rassoir, ce qu'il fit, l'air triste et inquiet. Honor soupira, avant de secouer la tête, laissant quelques secondes de silence pour se reconstruire.

« Vous méritez une explication. Je prends un traitement. Pour... ce n'est pas important, mais ce médicament cause des saignements si ma tension grimpe trop. »

Ses doigts sortirent sa montre, qu'elle montra avec un sourire las.

« D'où l'utilité de cette montre. Elle mesure mon pouls et ma tension, et me prévient s'ils grimpent trop. Enfin, même si elle ne fonctionne pas ici. »

Elle remit l'objet dans son sac.

« Pardonnez-moi, vraiment ça m'embarrasse. Je suis désolé pour votre nappe, croyez bien que je vous rembourserai, évidemment. »

De son index, elle glissa sur sa lèvre inférieure pour ôter les dernières traces de sang. Mais il n'avait pas fini de couler, et elle fût contrainte de replacer un mouchoir sur sa narine. Malgré tout, elle leva la main. Elle tremblait, elle s'efforça de la contrôle, avec succès.

« Je vous en prie, continuez. Mon fils nous a déjà longuement parlé de ce qu'il avait compris du fonctionnement de votre société, et même si je ne partage pas la perspicacité de mon mari sur la sémantique sorcière, croyez bien que je suis suspendue à vos lèvres. S'il vous plait. »

Malgré l'apparence qu'elle avait pu montrer il y a quelques secondes, elle avait déjà presque repris entièrement sa contenance. Oscar regarda chacune des personnes à cette table, et finit par regarder son fils, tous deux avaient un sourire entendu, et un air inquiet, mais il hochèrent ensuite la tête en direction de la famille Bain, pour s'excuser.